Pourboires : la feuille de route 2025
A la une, L'actu du CHRD — 15 juillet 2025L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 juin dernier n’est pas une bonne nouvelle pour notre secteur. Il rend le régime juridique des pourboires encore plus sensible, notamment sur la question de leur assujettissement aux cotisations sociales.
Rappel du cadre juridique :
En principe, les pourboires constituent un élément de rémunération lorsqu’ils sont perçus par l’employeur avant d’être redistribués aux salariés. À ce titre, ils doivent être intégrés dans l’assiette des cotisations sociales, conformément aux articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et L. 3241-1 du Code du travail.
Jusqu’à présent, en raison de l’impossibilité de connaître précisément le montant des pourboires perçus, une tolérance informelle permettait de ne pas les soumettre à cotisations.
Or, cette situation évolue avec les nouveaux modes de paiement (carte bancaire, applications), qui permettent de tracer les montants. C’est dans ce contexte qu’a été introduite une exonération temporaire de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, valable jusqu’au 31 décembre 2025, pour les pourboires versés directement et spontanément par le client au salarié, sans intervention de l’employeur.
L’arrêt du 5 juin 2025 :
Dans cette affaire, une société contestait un redressement URSSAF portant sur des pourboires versés par carte bancaire, qu’elle considérait comme de simples libéralités non soumises à cotisations. Pour elle, ces « surpourboires » ne devaient pas être réintégrés dans l’assiette des cotisations.
La Cour de cassation a confirmé la position de l’URSSAF, jugeant que :
Dès lors que les pourboires sont versés à l’employeur, qui en assure ensuite la répartition, ils doivent être assimilés à un complément de salaire soumis à cotisations sociales, peu importe leur caractère volontaire.
Les juges ont relevé que :
- Lorsqu’un client souhaitait laisser un pourboire par carte bancaire, la facture était majorée à sa demande ;
- Ces montants transitaient par un compte d’attente de l’entreprise avant redistribution aux salariés.
Conséquences pratiques :
Cette position implique que les gestionnaires de paie doivent intégrer dans l’assiette des cotisations sociales :
- Les pourboires issus d’une majoration volontaire de la facture ;
- Les pourboires en espèces, dès lors qu’ils sont remis à l’employeur.
Il semblerait que l’exonération prévue jusqu’à fin 2025 ne s’applique que si le versement est spontané, direct, et sans intervention de l’employeur.
Ainsi, le simple fait pour l’employeur de connaître les montants et de participer à la répartition suffit à rendre les pourboires imposables et soumis à cotisations.
Impact pour le secteur :
La mise en conformité aura un impact :
- Pour les salariés : réduction du net perçu, impact sur le revenu fiscal de référence ;
- Pour les employeurs : augmentation de la charge patronale.
Actions menées et à venir
Enfin, il convient de souligner que cette décision va à l’encontre de la position défendue par nous, organisation professionnelles, ce qui renforce encore la sensibilité du sujet dans notre secteur.
Face à cette situation, nous avons d’ores et déjà alerté les ministères concernés. Un courrier a été adressé aux ministères du Travail et des Finances afin de solliciter la reconduction du dispositif d’exonération, dans l’attente d’une réforme globale du traitement des pourboires.
Parallèlement, une enquête a été lancée auprès des salariés du secteur afin de recueillir leur avis sur les évolutions possibles du dispositif : socialisation, fiscalisation, impact sur leur rémunération, perception de leur situation, etc.
Cette enquête est actuellement menée par l’institut de sondage BVA-IPSOS..
L’objectif est de disposer d’éléments objectifs et concrets pour nourrir les échanges avec les pouvoirs publics, notamment dans la perspective du projet de loi de finances pour 2026.
En complément, une seconde enquête à destination des chefs d’entreprise sera prochainement lancée, afin de recueillir leur retour sur :
- Les pratiques actuelles de gestion des pourboires dans leurs établissements (collecte, redistribution) ;
- L’impact potentiel d’une socialisation/fiscalisation : sur les charges patronales, l’attractivité des métiers, etc.
Nous espérons que notre mobilisation portera ses fruits, malgré les récentes déclarations de Monsieur Bayrou, le 15 juillet dernier : « stop à la dette ».