Coronavirus : courrier au Professeur Delfraissy
L'actu du CHRD — 22 juillet 2020A l’avant veille d’un Conseil de défense ce vendredi 24 juillet 2020, l’UMIH s’est adressé directement au Président du Comité scientifique, qui renseigne sur le plan épidémiologique le Conseil de défense, le Professeur Jean-François Delfraissy. Outre ce courrier, il lui a été adressé le protocole sanitaire établi par les organisations professionnelles, visant à exploiter les types P Salles de danses en type N Bar de nuit. Le protocole sanitaire a été validé par le Comité scientifique, mais en Conseil de défense, le ministre de la Santé Olivier Véran a toutefois maintenu la décision de maintenir la fermeture des types P Salles de danse, y compris sur le modèle du type N Bar de nuit.
Courrier au Professeur Delfraissy :
Professeur Delfraissy,
Nous représentons les professionnels du monde de la nuit dont les 1 600 discothèques de France qui sont, à ce jour, les seuls professionnels à avoir l’interdiction de travailler en raison de la lutte contre la propagation du virus du Covid-19. Nous soutenons les mesures sanitaires prises par le Gouvernement au nom de la santé des Français et c’est d’ailleurs tout l’objet de notre engagement depuis plusieurs semaines aux côtés des pouvoirs publics : renforcer les conditions sanitaires actuelles et les améliorer en s’appuyant sur des professionnels responsables et formés.
Nous revendiquons être les spécialistes de la « nuit » et souhaitons vous démontrer notre engagement et notre savoir-faire dans l’encadrement des soirées, la prévention et en cette période particulière, que nous pouvons être des acteurs essentiels de la lutte contre la propagation du virus en France.
Depuis le déconfinement et le maintien de la fermeture de nos établissements, nous sommes témoins, partout en France, de grands rassemblements (fête de la musique, manifestations, fêtes sauvages, soirées privées organisées dans des locations Airbnb ou le Covid19 semble
n’être qu’un lointain souvenir…). Tous ces rassemblements autorisés ou tolérés sont des « occasions » de contamination sans aucun moyen de tracer l’épidémie, pour le Gouvernement. Les gestes barrières pour lutter contre la propagation du virus sont oubliés et d’ailleurs quelques « foyers de contamination » sont là pour nous rappeler que le virus circule toujours dans notre pays et qu’il est toujours aussi contagieux.
Les discothèques sont, par nature, des lieux sécurisés avec, notamment l’obligation d’avoir des systèmes de désenfumage très efficaces en cas d’incendie qui renouvellent intégralement l’air de nos établissements par de l’air neuf toutes les 8 à 10 minutes. Chaque établissement est aussi équipé de ventilations puissantes sans lesquelles les odeurs corporelles deviendraient très vite insupportables. Sans ces mêmes ventilations, au bout d’une ou deux heures d’exploitation, le taux d’humidité à l’intérieur de nos clubs à cause de l’humidité et de la chaleur dégagée par les danseurs serait insupportable et intenable.
Nous restons fermés, or les lieux autorisés à la réouverture depuis le 11 mai ou 2 juin sont clos et non équipés de système de ventilation en dehors de la VMC des toilettes, comparable à celle des particuliers. En réalité, ces établissements sont bien plus confinés et donc bien plus dangereux que les nôtres car dans l’impossibilité technique de renouveler l’air ambiant de manière efficace. On pourrait même en comparer certains à de véritables bouillons de culture tellement leur confinement est certain.
Nos métiers sont des métiers de sécurité de l’espace public et de la prévention. Nous avons toujours été, aux côtés du Gouvernement, des acteurs essentiels et majeurs de la prévention pour notre jeunesse sur les questions des maladies sexuellement transmissibles, de la consommation de drogue ainsi que sur les problèmes liés à l’alcoolisation massive qui est devenue en quelques années un fléau national.
A l’UMIH, nous n’avons jamais failli sur ces dossiers et pourtant nos établissements ne représentent que 8% de l’alcool vendu en France.
Aujourd’hui, avec nos établissements fermés, c’est toute une jeunesse qui est laissée à l’abandon, qui s’alcoolise sur la voie publique ou dans des soirées en open bar, qui se drogue pour certains, sans parler de la montée en puissance du protoxyde d’azote et tout cela, sans l’encadrement et la prévention de nos professionnels. Notre fermeture laisse la place à des habitudes néfastes et nous craignons que notre partenariat et notre travail de tous les jours avec les services de l’état depuis une vingtaine d’années soient réduits à néant en quelques semaines.
Notre métier a été mis en pause dans nos établissements mais a pris naissance dans beaucoup d’autres lieux, souvent incapables d’avoir les mêmes conditions sécuritaires et sanitaires que nous proposons aujourd’hui.
Nous, professionnels des métiers de la nuit, devons affronter cette problématique avec courage et ne pas détourner les yeux d’un problème qui pourrait sembler difficile à gérer, alors que pouvons être une clé stratégique du déconfinement…
Aujourd’hui, les dépôts de bilan ont commencé dans nos rangs et il est évident que ce que nous avons mis plus de 30 ans à combattre va revenir bien rapidement.
La nouvelle génération d’exploitants sera bien moins sensible aux problèmes de la jeunesse et des dealers sans scrupules envahirons bientôt, un marché bien assaini par les professionnels que nous sommes. La méconnaissance de nos métiers ne joue pas en notre faveur et nous le savons, mais, quand chaque jour, nous assistons impuissants à ce qui se passe en termes de soirées en France, nous affirmons sans aucune hésitation, être capable de bien mieux au niveau sanitaire.
Nous sommes fiers de saluer nos 23 000 agents de sécurité qui font un travail remarquable chaque week-end en régulant les rixes et les diverses querelles, mais également en prévenant les risques de tapages nocturnes liés aux débordements de certains clients. On parle aujourd’hui du bruit comme d’un fléau sanitaire en France qui coûterait en termes de santé publique 57 milliards à notre pays chaque année. Doit-on aujourd’hui rajouter à la crise financière qui s’annonce, des nuits sans sommeil, chahutées chaque week-end par une jeunesse qui ne demande qu’à faire la fête, et alors même que nous savons la gérer depuis des décennies ? Nous avons plusieurs témoignages de gendarmes et policiers des départements sur leur détresse quant à la gestion de la jeunesse dont nous avions la charge quand nous étions ouverts, et commencent à ne plus savoir comment gérer ce phénomène qui s’amplifie de jour en jour.
Enfin, notre rôle social n’est plus à démontrer aujourd’hui.
Nos professionnels sont conscients des dangers de ce virus et de l’impact sur nos professions et, en leur nom, nous portons les propositions suivantes :
• Une date de réouverture début septembre des lieux avec des capacités intérieures jusqu’à 1 000 clients et 3 000 en extérieur et une jauge dégradée de 20% afin de garder une rentabilité mais ne pas dépasser 1 client par mètre carré.
• Invitation à télécharger et à activer l’application du Gouvernement « Stop-Covid » pour toutes personnes entrant dans nos établissements.
• Suppression de la piste de danse : aménagement par zone avec mobiliers pour limiter la danse à 10 personnes maximum, issue d’un même groupe, afin d’éviter le mélange de clientèle et une possible contamination de masse.
• Obligation de mise à disposition de distributeur de gel hydroalcoolique en quantité suffisante en rapport à la taille de l’établissement.
• Mise à disposition de masques à l’entrée de l’établissement avec des affiches de sensibilisation de la jeunesse sur les risques liés au Covid-19, notamment en ce qui concerne leur entourage plus âgé.
• Masque Obligatoire dans l’établissement, hors zone dite « sécurisée » qui serait matérialisée par des tables du même groupe de dix personnes espacées des autres groupes.
• Impossibilité de consommer au comptoir hors position assise et espacée d’au moins 1 mètre d’un autre groupe de consommateurs.
Nous joignons à ce courrier le protocole sanitaire spécifique à nos métiers, travaillés avec les services de santé de l’Etat et l’ensemble des organisations professionnelles.
Notre profession est responsable et partage vos objectifs de limiter les contaminations au maximum dans notre pays. Nous sommes conscients aussi que les fêtes sont des foyers de contaminations en puissance mais aujourd’hui ce sont des fêtes privées qui s’organisent, sans nos protocoles sanitaires. La jeunesse dansera, autant l’encadrer avec l’aide de professionnels sérieux et engagés. Nous sommes persuadés que nos professionnels sont aussi une clé stratégique de la réussite du déconfinement dans notre pays.
Notre démarche plaide pour l’amélioration des conditions sanitaires actuelles et aucunement pour une dégradation, qui risquerait de nous laisser vivre encore plus longtemps avec ce virus.
Nous vous prions de croire, Professeur Delfraissy, en l’assurance de notre haute considération.