Coronavirus : loi de finances 2021, fonds propres et trésorerie

L'actu du CHRD — 24 février 2021


Dans le contexte de crise économique actuel, la Loi de Finances (LF) pour 2021 prévoit deux mesures optionnelles et temporaires pour soutenir les entreprises en leur permettant de renforcer leur trésorerie et leurs fonds propres pour améliorer leur capacité de financement.

La première autorise une réévaluation des actifs sans taxation immédiate (article 31, LF 2021) et la seconde prévoit un régime d’étalement de l’imposition de la plus-value de cession d’un immeuble lors d’une opération de crédit-bail (article 33, LF 2021).

L’administration devrait publier prochainement des commentaires sur la mise en oeuvre de ces dispositifs mais nous vous en présentons dès à présent, les grandes lignes.

1) Neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs

Afin d’encourager le recours à la réévaluation libre d’actifs et aider ainsi les entreprises touchées par la crise économique et sanitaire à assainir leur situation financière, un dispositif temporaire de neutralisation des conséquences de la réévaluation libre d’actifs sur le résultat imposable est
introduit par l’article 31 de la loi dans un nouvel article 238 bis JB du CGI.

Ce dispositif optionnel s’applique à la première opération de réévaluation libre des actifs constatée au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022.

Pour rappel, la réévaluation libre des actifs est une opération comptable autorisée par le Code de commerce (article L 123-18 du Code de commerce) qui permet aux entreprises d’offrir une image plus fidèle de leur patrimoine en actualisant la valeur de certaines actifs immobilisés, inscrits en principe à leur bilan à leur valeur nette comptable. L’opération leur permet notamment de renforcer leurs capitaux propres et ainsi d’améliorer leurs capacités de financement. Toute entreprise peut réévaluer ses actifs afin qu’ils soient inscrits à leur valeur réelle au bilan. Toutefois, la différence entre la valeur réévaluée et la valeur nette comptable constitue un produit immédiatement imposable sur l’exercice au cours duquel l’opération est constatée.

Pour être éligible au présent dispositif, la réévaluation libre doit porter sur l’ensemble des immobilisations corporelles et financières, à l’exception des immobilisations incorporelles ainsi que des stocks et valeurs mobilières de placement qui ne sont pas concernés.

• Pour les actifs amortissables (machines, équipements, bureaux, ordinateurs, etc.) : vous pourrez étaler la plus-value issue de l’écart de réévaluation par parts égales sur quinze ans pour les constructions ou sur cinq ans pour les autres immobilisations. Concrètement, au lieu d’être imposé immédiatement et en une seule fois sur l’intégralité de l’écart de réévaluation, vous serez imposé au fur et à mesure sur 1/15ième ou 1/5ième de l’écart de réévaluation chaque année pendant quinze ou cinq ans.

En cas de revente avant la réintégration totale de l’écart de réévaluation, en plus de la plus-value de cession (différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable), vous serez imposé sur le solde de l’écart de réévaluation restant.

• Pour les actifs non amortissables (terrains, etc.) : vous bénéficierez d’un sursis d’imposition jusqu’à la cession de l’actif réévalué. Concrètement, l’écart de réévaluation sera taxable sur l’exercice au cours duquel le bien sera cédé. Attention lors de la cession, la plus-value devra être calculée à partir de la valeur du bien non réévaluée.

Toutes les entreprises soumises aux règles de la comptabilité commerciale peuvent bénéficier de ce dispositif.

Cette mesure est optionnelle et le choix d’y recourir dépend de la situation de chaque entreprise. Une entreprise pourra ainsi avoir intérêt à inclure immédiatement l’écart de réévaluation dans son résultat imposable, notamment si elle dispose de déficits imputables.

On rappelle que l’entreprise ne pourra bénéficier de la mesure qu’une seule fois sur la première opération de réévaluation effectuée entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022.

Exemple : au 1er janvier 2021, sont inscrits dans le bilan d’une entreprise des équipements pour 10 000 euros et un terrain pour 30 000 euros. Leur valeur réelle est évaluée respectivement à 100 000 euros et 70 000 euros.

L’entreprise décide de procéder en mai 2021 à une réévaluation libre de ces actifs dans des conditions conformes à l’article L. 123-18 du code de commerce.

L’écart de réévaluation est de 90 000 euros (100 000 – 10 000) pour les équipements et de 40 000 euros (70 000 – 30 000) pour le terrain.

– Application du dispositif prévu à l’article 31 de la loi de finances pour 2021 :
L’écart de réévaluation des équipements de 90 000 euros, sera imposé en cinq ans, soit 18 000 euros sur chaque exercice 2021, 2022, 2023, 2024 et 2025. L’impôt sera de 4 770 euros en 2021 (taux d’IS de 26,5%) et de 4 500 € sur les quatre années suivantes (taux d’IS de 25%).

Pour le terrain, l’écart de réévaluation de 40 000 euros ne sera imposable qu’au jour de la cession. L’entreprise n’aura donc aucun impôt à payer tant que le terrain ne sera pas cédé. L’année de la cession, l’entreprise devra calculer la plus-value de cession à partir de la valeur du terrain non réévaluée, soit 30 000 euros, afin d’intégrer l’écart de réévaluation de 40 000 euros.

– Application sans le dispositif prévu à l’article 31 de la loi de finances pour 2021 :
L’écart de réévaluation de 130 000 euros (90 000 + 40 000) aurait été imposable immédiatement au titre de l’exercice 2021, soit 33 800 euros.

Une obligation de suivi est mise à la charge des entreprises qui optent pour le dispositif.

Le nouvel article 238 bis JB du CGI introduit une obligation documentaire complémentaire, destinée à assurer le suivi par l’administration fiscale de l’opération et de ses conséquences. Ainsi, l’entreprise qui aura opté pour le régime devra joindre, à chacune des déclarations de résultat de l’exercice au titre duquel la réévaluation est réalisée et des exercices suivants, un état mentionnant tous les renseignements nécessaires au calcul des amortissements, des provisions et des plus-values ou moins-values afférents aux immobilisations réévaluées.

Autres incidences de la mise en oeuvre de ce dispositif

– Participation des salariés : Dès lors que les opérations de réévaluation influent sur le montant des capitaux propres, celles-ci sont susceptibles d’avoir une incidence sur le calcul de la participation des salariés prévue à l’article L 3224-1 du Code du travail. Le présent dispositif qui vise strictement à neutraliser les conséquences fiscales d’une réévaluation libre d’actifs effectuée NE devrait donc en principe pas avoir pour effet de modifier les conséquences d’une telle réévaluation sur le calcul de la participation des salariés.

– Impôts locaux : On relèvera, en dernier lieu, que les opérations de réévaluation n’ont pas d’incidence en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises. En effet, alors même que la valeur locative des établissements industriels est établie en règle générale à partir de leur prix de revient, ce dernier s’entend, conformément à l’article 324 AE de l’annexe III au CGI, de la valeur d’origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan sans tenir compte des réévaluations ultérieures éventuelles.

2) Etalement de la plus-value réalisée dans le cadre d’une cession-bail d’immeuble par une entreprise

L’article 33 de la loi de finances permet de céder un immeuble en crédit-bail en conservant la jouissance avec étalement de l’imposition de la plus-value laquelle est en principe immédiatement imposable au titre de l’exercice au cours duquel vous cédez le bien.

L’opération de « cession-bail » consiste à vendre un bien immobilier professionnel à une société de crédit-bail immobilier (crédit-bailleur) à en retrouver immédiatement la jouissance en qualité de crédit-preneur d’un contrat de crédit-bail immobilier.

En principe, la plus-value de cession de cet immeuble est immédiatement taxée au titre de l’exercice au cours duquel le bien est cédé.

L’article 33 de la loi de finances pour 2021 permet, pour les cessions d’immeubles affectés à certaines activités, d’éviter l’imposition immédiate de la plus-value de cession. Vous pouvez répartir l’imposition de cette plus-value à parts égales sur la durée du crédit-bail, sans pouvoir excéder quinze ans.

Ce dispositif est optionnel et votre choix dépend de la situation de chaque entreprise. Ainsi, une entreprise peut aussi avoir intérêt à inclure immédiatement l’écart de réévaluation dans son résultat imposable, notamment si elle dispose de déficits imputables.

Le bénéficie de ce dispositif est réservé aux cessions d’immeubles affectés aux activités commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Les activités de gestion du patrimoine de votre entreprise sont exclues du dispositif.

Toutefois, cette exclusion n’est pas applicable dans le cas où l’immeuble est loué par le crédit-preneur à une entreprise avec laquelle il entretient des liens de dépendance et qui affecte l’immeuble à une des activités citées précédemment. Ceci permet de faire bénéficier du dispositif, les entreprises qui confient la gestion de leur patrimoine immobilier à une seule société, qui loue les immeubles aux autres sociétés du groupe qui les affectent à leurs activités économiques.

Si le choix de ce dispositif n’est soumis à aucun formalisme, l’entreprise devra joindre à la déclaration de résultats de l’exercice de la cession et des exercices suivants un état de suivi de l’étalement d’imposition.

La mesure s’applique aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2021 jusqu’au 30 juin 2023, et précédées d’un accord de financement accepté par le crédit-preneur entre le 28 septembre 2020 et le 31 décembre 2022. Attention, l’immeuble doit rester affecté à l’activité de l’entreprise.

Exemple : une entreprise soumise à l’IS qui clôt ses exercices le 31 décembre de chaque année décide de céder un immeuble le 31 mai 2021. A cette occasion, elle réalise une plus-value taxable de 100 000 €.

L’entreprise décide de vendre ce bien immobilier à une société de crédit-bail immobilier et d’en retrouver immédiatement la jouissance en qualité de crédit-preneur d’un contrat de crédit-bail immobilier conclu le 1er juin 2021 d’une durée fixée à 10 ans (soit jusqu’au 31 mai 2031).

– Application du dispositif d’étalement de l’article 33 de la loi de finances pour 2021 :

L’imposition de la plus-value de 100 000 euros sera étalée sur la durée du contrat de bail de 10 ans. L’entreprise devra donc réintégrer au résultat de chaque période d’imposition, un dixième de la plus-value soit 10 000 euros pendant 10 ans. La dernière fraction sera réintégrée au résultat de l’exercice clos le 31 décembre 2030.

Chaque année pendant 10 ans, seule la fraction de 10 000 € de la plus-value de cession sera soumise à l’impôt sur les sociétés. Soit, 2 650 € sur 2021 (taux d’IS de 26,5%) et 2 500 € pour les neuf années suivantes (taux d’IS de 25%).

– Application sans le dispositif d’étalement de l’article 33 de la loi de finances pour 2021 :

La plus-value de 100 000 € serait immédiatement imposable et soumise à l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice de 2021, soit un impôt à payer de 26 500 €.

Source : circulaire fiscale UMIH 05-21