Fermeture administrative : ne pas mettre tout le monde dans le même panier (à salade)

Communiqués 2018, L'actu du CHRD — 4 juin 2018

PrefecturedepolicedeParisLe 31 mai 2018, la Préfecture de Police de Paris diffusait un communiqué de presse relatif à la décision d’ordonner en urgence, à savoir sans procédure contradictoire, la fermeture d’un club parisien, nommément identifié (nous préserverons ici son anonymat par souci de confidentialité), suite à un trafic de stupéfiants.

Le communiqué indique que le 28 mai 2018, des effectifs de police présents dans l’établissement concerné ont interpellé deux personnes se livrant à une transaction de stupéfiants, l’un deux étant trouvé en possession de 13 bonbonnes de cocaïne et reconnaissant se livrer quotidiennement à un trafic de drogue au sein de cet établissement. Le communiqué rappelle un fait antérieur du 6 octobre 2017 où un client s’était procuré deux doses d’un produit stupéfiant avant de décéder d’une overdose.

Sur la base de l’article L.3332-15 alinéa 3 du Code de la Santé Publique, « les conditions d’exploitation de satisfaisant pas aux obligations en matière de lutte contre les stupéfiants, vu la gravité des faits et pour faire cesser ces graves troubles à l’ordre public », le Préfet de Police a ordonné une fermeture d’une durée de 3 mois. En complément, une enquête pour trafic de stupéfiants, confiée à la brigade homonyme est ouverte par le parquet pour trafic.

Jusqu‘ici, ce communiqué ne suppose pas la moindre remarque. La suite est plus délicate. D’abord, il évoque 7 fermetures administratives depuis début 2018 au motif d’infraction à la législation sur les stupéfiants contre 2 en 2017 sur la même période. Ensuite, il fait état de 131 fermetures administratives, prononcées pour d’autres motifs que ceux liés aux stupéfiants. Il conclut enfin ainsi : « Le Préfet de Police rappelle une nouvelle fois fermement qu’il appartient aux responsables des établissements de nuit qu’ils ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité au regard de l’interdiction de consommation de produits stupéfiants à l’intérieur de leurs établissements et réaffirme la vigilance de la Préfecture sur ce sujet essentiel. Le non-respect de ces dispositions donnera lieu à une fermeture administrative immédiate des établissements concernés ».

Cette communication de la Préfecture, rappel à l’ordre sans équivoque, s’avère préoccupante quand elle évoque des fermetures administratives prononcées pour des motifs différents, sans distinguer les faits contraventionnels des faits délictuels ou criminels. Si le Préfet de Police est dans son rôle en sanctionnant un établissement face à des faits constatés et répétés qu’aucune organisation professionnelle ne saurait défendre, stigmatiser l’ensemble des professionnels du secteur en s’appuyant sur cet exemple pour évoquer ensuite tous les motifs des faits constatés relève de l’amalgame.

L’exploitation, possiblement mauvaise d’un lieu, ne peut salir l’image et l’engagement de toute une profession. Preuve en est, le travail de partenariat permanent que l’ensemble des acteurs s’efforce de porter pour combattre les incivilités et les délits qu’ils peuvent rencontrer dans leurs murs. Rappeler la responsabilité évidente d’un exploitant est une évidence, extrapoler cette responsabilité supposant une culpabilité quasi systématique de l’exploitant, notamment dans les cas de consommation de stupéfiants, est à l’inverse un indicateur négatif dans un contexte où les acteurs ont au contraire besoin d’être aidés et que les contrevenants soient neutralisés.

Les établissements de nuit sont les premières victimes des incivilités et des délits d’une clientèle qui ne respectent pas la loi, au nez et à la barbe des pouvoirs publics mais aussi des exploitants eux-mêmes.

Rémi Calmon
Directeur Exécutif