GHB GBL : les professionnels reçus en Préfecture de Police

L'actu du CHRD — 18 avril 2018

PréfecturedepolicedeparisréunionGBL160418Tout commence en novembre 2017 par une série d’incidents dans 4 établissements parisiens : 2 comas artificiels aux Nuits Fauves (sanctionné par une fermeture en urgence au-delà de ce seul motif)), un malaise et un arrêt cardiaque au Salo en février 2018 puis enfin en mars 2018, 3 malaises au Rex et 2 comas dont un qui s’avérera mortel au Petit Bain. Le GBL, solvant industriel, proche du GHB dite drogue du violeur, sévit dans les soirées en Ile-de-France dans les discothèques mais auss dans les soirées privées, les victimes sont majoritairement des jeunes de 19 à 25 ans.

Dès la mi-mars 2018, le Collectif Action Nuit (CAN) tirait la sonnette d’alarme au niveau national en publiant un communiqué et alertait les ministres de la Santé et de l’Intérieur, face aux risques sanitaire pour la première et administratif pour le second.

C’est à Paris, là où se sont déroulés les faits, que la réaction a été la plus rapide après l’interpellation du CAN. Mobilisant un nombre important de ses services, la Préfecture de Police a reçu l’ensemble des acteurs concernés le lundi 16 avril.

Michel Delpuech, Préfet de Police a ouvert les débats, indiquant que « le sujet n’est pas nouveau, pas non plus limité aux seuls lieux de nuit mais que la succession de faits intervenus ces derniers mois supposait de s’y attarder ».  Pour preuve, pour 6 fermetures administratives en lien avec les stupéfiants en 2017, 6 autres ont été prises en 2018 rien que pour le 1er trimestre et 3 procédures sont encore en cours ! Le chiffre s’explique par le renforcement des contrôles mais aussi par l’aggravation des faits et constats.

Le Préfet de Police dégaine la fermeture administrative « à titre préventif » pour sanction et, aux organisations professionnelles qui s’étonnent que ce soit la seule réponse, il répond : « Je suis étonné qu’on puisse s’étonner », précisant que le Tribunal Administratif n’a jamais remis en cause une décision de fermeture prononcée sur ce motif. On peut effectivement prédire qu’aucun juge administratif ne s’opposera à une fermeture administrative sur ce motif. Va-t-il seulement été saisi par un exploitant à titre de recours ? On peut en douter…

Sur la base de l’article 3332-15 du Code de la Santé Publique, le Préfet de Police n’hésite donc pas à sanctionner et ce, de façon paradoxale. Prenant acte de la prise de responsabilité des professionnels sur le sujet, il explique pourtant au Parisien dans son édition du 17 avril : « Les fermetures administratives ont au moins une utilité : elles font prendre conscience ». Or, la sanction ne touche pas le public et parmi lui, les consommateurs de GBL, nullement affectés par la fermeture d’un quelconque établissement !

Toutefois, le Préfet de Police a concédé aux exploitants que « la situation est difficile, je ne l’ignore pas, vous êtes victimes d’un phénomène dont vous n’êtes pas responsables, malgré la bonne tenue de vos établissements et le contrôle des personnes aux entrées ».  C’est pourquoi il souhaite aussi « construire une réponse efficace et durable, reposant sur des engagements de la Préfecture, de la Ville et des organisations professionnelles » passant notamment par la relance du programme Fêtez Clairs. En conclusion, pour le Préfet, la posture est double : fermeté et dialogue.

De nombreux autres intervenants ont pris la parole au titre de la Préfecture de Police de Paris.

Philippe Bujeaud, directeur adjoint de la Police Judiciaire a évoqué les actions communes des services de la BRP et de la Brigade des Stupéfiants, indiquant qu’outre le GHB GBL, d’autres produits sont de consommation courante : ecstasy, MDM principalement, déplorant 25 overdoses mortelles à Paris en 2017.

Christophe Descoms de la Brigade des Stupéfiants a fait un descriptif de ces divers stupéfiants indiquant aux exploitants,  « je connais la situation des dealers qui vous pourrissent la vie », précisant que la plupart des interpellations sont faites avec leur concours. La Brigade des Stupéfiants souhaite relancer le dispositif Fêtes Clairs, des effectifs de ses rangs étant disponibles pour accompagner les équipes de Fêtez Clairs.

Frédéric Dupuch, chef de la DSPAP (Direction de la Sécurité de Paris et de l’Agglomération Parisienne) a qualifié de « grave » le sujet des drogues, plus encore que celui de la tranquillité publique sur lequel il a l’habitude de travailler. Celui-ci a confié : « Tous les produits ne viennent pas des établissements, l’offre n’est pas toujours à l’intérieur, il y d’ailleurs en ce moment même des actions que nous déroulons sur le quai d’Austerlitz et le port des Champs-Elysées, en lien avec les établissements qui y sont installées. Quand les produits dont dans les lieux, ce sont souvent des lieux loués, l’exploitant en titre n’est pas là, oubliant que la location ne l’exonère pas de ses responsabilités ».

Au titre des institutions sanitaires, des prises de parole ont été faites également par le Professeur Denis Safran, médecin chef de la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention) et conseiller du ministre de l’Intérieur et du Préfet de Police de Paris ; Denis Léone de l’ARS Ile-de-France a évoqué les consultations dédiées aux jeunes consommateurs existant sur Paris ; Anne Batisse pour l’APHP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) a précisé que de 9 cas de coma en 2014, la consommation de GHB GBL est passée à 30 en 2017, le contexte de l’usage pour pratique sexuel ayant évolué vers un usage en contexte festif. Nicolas Buonomu pour Fêtez Clairs a expliqué que le dispositif de prévention ne pouvait pas exclusivement s’appuyer sur eux et qu’il serait judicieux de développer aussi la question de la RDR (Réduction Des Risques).

Le maire adjoint chargé de la politique de la Nuit, Frédéric Hocquard (qui a évoqué le sujet dans la newsletter n° 6 du Conseil de la Nuit en pages 1 et 2) a salué la communication faite par les professionnels via le CAN, proposé une action de communication dans les établissements avant d’indiquer que le problème reposait sur « l’utilisation d’un produit non stupéfiant, en vente libre sur Internet,  mais utilisé comme par ses consommateurs ».

Les professionnels ont fait valoir leur inquiétude sur le sujet et en conséquence, ont indiqué qu’une fois encore, leurs lieux étaient bien évidemment des relais de prévention à disposition des autorités administratives et sanitaires.

Geoffroy Sebline, administrateur de la CSLMF (Chambre Syndicale des Lieux Musicaux Festifs) c indiqué comprendre la fermeté du Préfet mais se dit préoccupé vis-à-vis d’un phénomène que ne comprennent pas les exploitants, qui les dépasse, face auquel ils se veulent force de proposition face à l’usage d’un produit aussi facilement accessible sur le Net. Les établissements sont demandeurs pour communiquer sur les effets de cette drogue, les lieux veulent être acteurs de prévention.

Administrateur du SNEG & Co, Michel Mau a abordé la question des commandes de produit sur Internet, la France ne faisant pas partie de la liste d’exclusion des envois de GBL, il pourrait y avoir ici une piste pour lutter contre la fourniture. 320 drogues de synthèse ont été recensées sur le Net ce qui fait que souvent, les consommateurs sont déjà en possession de leurs produits quand ils arrivent en soirée, il y a moins de dealers dans les établissements, ils savent qu’ils y sont surveillés, à l’inverse de soirées parallèles type squats ou lieux privatisés. Sur la médiatisation, il a émis la réserve de susciter un désir d’expérience de la part de certains qui auront envie de texter ce produit dont on parle tant. Pour lui, les établissements doivent être des relais de communication, évoquant les campagnes de l’ENIPSE, ex SNEG Prévention qu’il conviendrait d’associer aux groupes de travail à venir. Enfin, en cas d’incident sanitaire sur site, il faut mettre en place un protocole d’urgence.

Renaud Barillet, président du Réseau MAP (Musiques Actuelles à Paris) a expliqué que la communication existe sur le sujet mais qu’elle n’est pas assez médiatisée. Au sujet de la coopération  nécessaire avec les services de police, il a rappelé la nécessite du rapport de confiance et la crainte qu’un établissement, pour signaler un incident entre ses mûrs, ne vienne à être inquiété, alors qu’il aura coopéré et n’a aucune responsabilité dans l’incident qu’il a signalé.

Pour le Collectif Cultures Bar-Bars, Alexandre Drosne a expliqué que les fouilles à l’entrée créait un dommage collatéral : le trouble à l’ordre public quand la clientèle stationne sur le trottoir en attendant de rentrer dans l’établissement. Autre point concernant les petits établissements, le coût financier. Chloé Lebail a plaidé pour légiférer les achats sur le Net et associer le milieu étudiant  aux politiques de prévention.

Enfin, collectivement, les professionnels ont demandé confirmations des procédures à respecter, en cas de présence de dealers, de consommateurs et que faire, en cas de clients se retrouvant en détresse ?

Au terme de la réunion, le Préfet de Police a salué la qualité des échanges et la prise de conscience partagée. Il décide d’orienter vers trois groupes de travail. Le premier, supervisé par Antoine Guérin, directeur de la DTPP (Direction des Transports et de la Protection du Public) porte sur l’aspect juridique pour notamment viser à interdire la vente libre en ligne de ces produits, l’interdiction d’expédition. Le second, sous la houlette de son sous-directeur de cabinet Matthieu Garrigue-Guyonnaud, consiste à renforcer le partenariat entre les services de sécurité et secours et les professionnels (formation et sensibilisation des salariés et organisateurs de soirées aux produits et aux bonnes pratiques, modalités d’action en cas découverte de consommateurs et/ou de trafiquants. Enfin, le troisième groupe, organisé par Mathieu Orsi, chargé de mission au cabinet du Préfet, vise à réfléchir à la mise en place d’actions de prévention à destination du grand public et des consommateurs via des outils neufs tels les réseaux sociaux. Les organisations professionnelles seront bien évidemment au nombre des participants à chacun de ces 3 groupes de travail dont les plan d’action devront avoir abouti d’ici début juillet prochain.

D’ici là, face à un Préfet soucieux de dialogue mais aussi de fermeté, elles veilleront à ce que la fermeture administrative ne soit pas la seule expression de l’autorité de police. Les organisations professionnelles plaident pour une obligation de moyens, impliquant le volontariat et la participation des exploitants dans la lutte contre les stupéfiants, et non plus une obligation de résultat face à un problème qui dépasse les pouvoirs publics eux-mêmes.