La discrimination à l'entrée des établissements

Fiches pratiques — 17 novembre 2006

Ce sont les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal qui incriminent et répriment les pratiques discriminatoires, à raison de critères énumérés par la loi.

1. Les formes de la discrimination et leur sanction.

a. Les critères considérés comme discriminatoires (art. 225-1)

La discrimination est définie comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de :

  • leur origine ;
  • leur sexe ;
  • leur situation de famille ;
  • leur apparence physique ;
  • leur patronyme ;
  • leur état de santé ;
  • leur handicap ;
  • leurs caractéristiques génétiques ;
  • leurs mœurs ;
  • leur orientation sexuelle;
  • leur âge ;
  • leurs opinions politiques ;
  • leurs activités syndicales ;
  • leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

b. Les pratiques (art. 225-2)

Le critère discriminatoire doit avoir inspiré l’une des pratiques limitativement énumérées par la loi, qui sont les suivantes :

  • refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;
  • entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ;
  • refuser d’embaucher, sanctionner ou licencier une personne ;
  • subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur un motif discriminatoire tel que défini par l’article 225-1 CP ;
  • subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur un motif discriminatoire tel que, défini par l’article 225-1 CP ;
  • refuser d’accepter une personne à un stage d’enseignement technique ou à un cours d’enseignement commercial complémentaire et de perfectionnement.

c. Les peines encourues.

Lorsque l’une des pratiques, limitativement énumérées par le code pénal, est fondée sur l’un des critères retenues par la loi, la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.

d. Les personnes responsables.

Les personnes dont la responsabilité pénale peut être engagée sont celles qui commettent l’infraction. Il s‘agit à la fois de l’auteur personne physique (ex le portier à l’entrée) mais aussi la personne morale prise en la personne de son représentant légale. Ainsi, le gérant de l’établissement dont le portier refuse l’entrée pour un motif interdit par la loi, qui a connaissance de cette pratique, pourra voir la responsabilité de la personne morale, qu’il représente, être engagée en même temps que celle du portier, personne physique.

2. La discrimination à l’entrée des établissements accueillant du public.

La loi définit cette pratique comme le fait de :

  • refuser la fourniture d’un bien ou d’un service en interdisant l’accès à un lieu accueillant du public à raison de l’un des critères prohibés, (exemple : origine, sexe, orientation sexuelle etc).
  • subordonner l’accès à un établissement en raison de l’un des critères prohibés (exemple : origine, sexe, orientation sexuelle etc).

Un tel comportement est totalement interdit et est réprimé sévèrement (5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende).

L’infraction requiert une intention coupable. Cette intention se définit comme la conscience du prévenu de se livrer à une des pratiques discriminatoires en l’espèce de refus de la fourniture d’un bien ou d’un service ou de subordonner la fourniture de ce bien ou service à l’un des critères interdits.

Cette intention coupable pourra se déduire de la constatation d’une différence de traitement manifeste entre telle catégorie de personne et telle autre.

Les raisons ou mobiles que peut fournir l’auteur de la discrimination pour se justifier ne sont pas pris en compte par le juge. Ainsi un établissement gay ou lesbien ne peut refuser l’entrée de son établissement à une femme ou à un homme, homo ou hétéro, sous prétexte que sa clientèle ne le tolèrerait pas.

3. Les causes d’exonération.

Il appartient au prévenu de démontrer qu’il ne s’est pas livré à une pratique discriminatoire pour s’exonérer de sa responsabilité pénale.

Le législateur a supprimé la possibilité de faire valoir un « motif légitime » pour s’exonérer de sa responsabilité. Mais le prévenu pourra rapporter la preuve du caractère non discriminatoire (et non pas légitime) du motif qui l’a animé.

Toutefois si le motif invoqué par le prévenu n’est pas visé dans l’énumération de l’article 225-1 du CP, il est de nature à l’exonérer de sa responsabilité (exemple : la tenue, l’état d’ébriété).

Il faut donc, pour que la discrimination soit acceptable, qu’elle soit fondée :&

  • sur des éléments objectifs,
  • sur une exigence objectivement justifiée, comme une tenue vestimentaire correcte ou un déguisement pour une soirée déguisée, ou encore un code de couleur vestimentaire.

Le motif qui fonde le refus de fourniture de biens et de services doit en outre être exclusif, ce qui veut dire que le prévenu doit prouver que seul le motif qu’il invoque est la cause de la discrimination, étant précisé qu’en pratique le juge ne s’arrete pas aux apparences et effectue une recherche du motif profond qui a animé le prévenu.

Par ailleurs, la discrimination est écartée chaque fois qu’un texte législatif ou règlementaire l’impose, comme la nationalité française pour les postes de la fonction publique. A cet égard l’article 225-3 du CP définit trois causes expresses d’exonération, dont la dernière justifie la discrimination fondée sur le sexe (homme/femme) en matière d’embauche, si le sexe est la condition déterminante de l’exercice d’un emploi (comme pour les mannequins, les artistes…).

4. La charge de la preuve.

Le principe en droit pénal veut que la partie poursuivante rapporte la preuve de ce que l’infraction est constituée. En pratique, on constate que le juge pénal tend à faire peser sur le prévenu la preuve de la non discrimination, quand la victime apporte des éléments qui font présumer l’existence d’une discrimination.

Notons qu’il est très difficile pour une victime de rapporter la preuve d’une discrimination à l’entrée d’un établissement, dans la mesure où les motifs du refus du portier sont souvent très sommaires, se limitant à un « c’est pas possible » sans autres explications.

Dés lors que le portier n’avoue pas la raison profonde qui le conduit à refuser l’entrée de l’établissement, la poursuite aura peu de chances d’aboutir à une condamnation.

Il sera toujours possible pour le portier de trouver un motif objectif, extérieur aux motifs discriminatoires de l’article 225-1, comme une tenue vestimentaire inadaptée ou un degré d’alcoolisation important.

Attention : la pratique du « testing », qui consiste à présenter à l’entrée d’un établissement des personnes d’origines différentes pour constater la différence de traitement, dans les boîtes de nuits, a été légalisée par la loi du 31 mars 2006 (art 225- 3-1 CP). Un « testing » peut parfaitement être mis en oeuvre dans les établissements gays et lesbiens et aboutir en cas de discrimination avérée à raison du sexe par exemple à la condamnation de l’établissement ou de la personne auteur de la pratique prohibée.