La faute

Fiches pratiques — 17 novembre 2006

1) Qui la définit ?
Le code du travail ne définit pas la faute, c’est la jurisprudence de la Cour de
cassation qui en a défini les contours, en distinguant trois types de faute en fonction
de leur gravité (I) ; ces trois catégories de faute ont des caractéristiques communes
(II).

2) La classification des fautes
A) La faute simple
a) Définition
Il s’agit d’une faute qui ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour
imposer la cessation immédiate de la relation de travail, même si elle est susceptible
de justifier soit une sanction disciplinaire (avertissement, blâme, mise à pied) soit un
licenciement.

b) Conséquences
La faute simple qui justifie un licenciement n’a aucune incidence sur le préavis ou le
versement de l’indemnité de licenciement, qui demeurent dus au salarié.

B) La faute grave
a) Définition
La faute grave est un :
« (…) fait ou ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des
obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une
importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise
pendant la durée du préavis ».
La faute grave est caractérisée par trois éléments :
– Un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié personnellement,
– Ces faits sont constitutifs d’une violation d’une obligation contractuelle ou
manquement à la discipline de l’entreprise,
– La violation est d’une telle importance qu’elle rend impossible le maintien du
salarié dans les effectifs de l’entreprise.
Elle n’est pas nécessairement intentionnelle et n’est pas subordonnée à l’existence
d’un préjudice pour l’employeur.

b) Conséquences
L’employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire immédiate du salarié et
doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement le plus rapidement possible.
L’existence d’une faute prive le salarié de l’indemnité de préavis ainsi que de
l’indemnité légale de licenciement.

c) La faute lourde
a) Définition
La faute lourde est :
«Une faute d’une particulière gravité qui traduit une intention de nuire de la part du salarié
et ne peut être excusé par les circonstances de l’espèce »(Soc 29 novembre 1990, Bull, V, n°
599)
L’intention de nuire est prépondérante dans la qualification juridique de la faute
lourde et le juge doit la rechercher pour valider le licenciement sur ce fondement.
(Soc 3 octobre 1990, Bull, V, n°409).

b) Conséquences
L’existence d’une faute lourde prive le salarié de l’indemnité de préavis, de
l’indemnité de congés payés sur préavis ainsi que de l’indemnité légale de
licenciement.
Elle autorise le licenciement du salarié au cours d’une grève (art L 521-1 du code du
travail).
Enfin, l’existence de la faute lourde autorise l’employeur à engager la responsabilité
civile du salarié et à lui demander réparation du préjudice qu’il a causé à l’entreprise
(ex restitution des sommes détournées et versement de dommages et intérêts).

3) Les caractéristiques communes à toutes les fautes
A) La faute peut être un motif de licenciement
L’employeur dispose d’un pouvoir disciplinaire au sein de l ‘entreprise qui lui
permet de sanctionner les agissements fautifs du salarié notamment en le
congédiant.
La faute invoquée à l’appui du licenciement envisagé par l’employeur doit présenter
un caractère réel et sérieux.
Sauf exception, seuls les faits fautifs non encore sanctionnés peuvent donner lieu à
un licenciement.

a) Un principe : une même faute ne peut être sanctionnée qu’une fois
L’employeur ne peut motiver le licenciement envisagé sur des faits fautifs ayant déjà
fait l’objet de sanctions. Ce principe supporte des exceptions.

b) Les exceptions
Le salarié peut se voir sanctionner plusieurs fois pour la même faute dans les
situations suivantes :
– Refus par le salarié de la première sanction,
– Récidive du salarié,
– Mesure conservatoire prononcée par l’employeur,
– Emission d’un simple avis par l’employeur en même temps que l’engagement
de la procédure de licenciement envisagé,
– Mesure d’attente pour permettre au salarié de retrouver un emploi.

B) L’imputabilité de la faute
La faute invoquée par l’employeur doit personnellement être imputable au salarié
pour être sanctionnée. Elle ne peut en aucun cas résulter d’agissements fautifs de la
famille ou de l’entourage du salarié.

C) La prescription de la faute
La sanction du fait fautif ne peut être prononcée que dans un délai restreint.
Les faits fautifs se prescrivent dans un délai de 2 mois à compter de la connaissance
des faits litigieux par l’employeur (sauf en cas de poursuites pénales).
« Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a eu connaissance des faits fautifs
dans le délai de deux mois précédant l’engagement des poursuites disciplinaires »(Soc 24
mars 1988, n°86-41.600).
Aucune poursuite disciplinaire ne peut être engagée au-delà de ce délai.
Ce délai ne peut être ni interrompu ni suspendu par la maladie ou l’accident de
travail du salarié (Soc. 13 juillet 1993 n° 91-42.964 et Soc. 6 février 2002, n° 99-40.778).

D) Le contrôle par le juge de la qualification juridique de la faute
La preuve de la connaissance des faits fautifs ainsi que la qualification de faute
donnée par l’employeur font l’objet d’un contrôle par les juges du fond (Conseil des
prud’hommes et Cour d’appel).
En cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux du motif invoqué par
l’employeur.
S’il existe un doute sur le caractère réel et sérieux de la cause invoquée, il profite au
salarié, dont le licenciement sera considéré comme non fondé.
La qualification de faute contenue dans le règlement intérieur, la convention
collective ou le contrat de travail ne lie pas les juges.
Pour apprécier la gravité de la faute, les juges tiennent compte de tous les éléments
réels et concrets soumis par les parties.
Il en résulte qu’un même comportement peut être qualifié différemment selon les
circonstances qui ont entouré sa réalisation, de sorte qu’il est impossible de dresser
une liste exhaustive des comportements justifiant ou non un licenciement.

E) La preuve de la faute
L’employeur qui entend prendre une mesure de licenciement à l’encontre d’un
salarié doit prouver la faute. Le salarié, de son côté, peut démontrer l’absence de
faute.

a) La preuve de l’existence de la faute par l’employeur
L’employeur doit, à l’appui des motifs invoqués, apporter la preuve de faits précis,
objectifs et contrôlables. De simples affirmations ne constituent pas une preuve
suffisante à l’appui des poursuites envisagées contre le salarié.
La preuve peut être rapportée par tous moyens, dans la limite du respect des droits
fondamentaux et des libertés individuelles des personnes. Ainsi la Cour de cassation
considère que, « la vidéo surveillance de salariés à leur insu constitue un mode de preuve
illicite écartant le bien fondé du licenciement envisagé »(Soc. 20 novembre 1991, Bull, V,
n°519).

b) La preuve de l’absence de faute par le salarié
Pour assurer sa défense dans le cadre d’une procédure de licenciement pour faute, le
salarié peut notamment produire en justice les documents de l’entreprise, dont il a
eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, « lorsque cela est strictement
nécessaire » (Soc. 30 juin 2004, n° 02-41.720).
La chambre criminelle de la Cour de cassation considère tout comme la chambre
sociale de la Cour de cassation que « l’exercice des droits de la défense peut justifier de
telles pratiques, à condition que le salarié a eu connaissance de ces documents à l’occasion de
ses fonctions, et que ces documents soient indispensables à la défense prud’homale du
salarié » (Crim. 11 mai 2004, n°03-80.254).

A jour au 18 août 2005