Bail commercial : durée, résiliation et renouvellement

Fiches pratiques — 18 octobre 2012

Bail commercialLa présente fiche juridique expose les principes de base sur la durée, la résiliation et le renouvellement du bail. Elle doit permettre d’aborder les situations les plus courantes. S’agissant d’une matière complexe, régie par le décret du 30 septembre 1953 ayant fait l’objet de nombreux modifications législatives et jurisprudentielles, pour laquelle les situations particulières nécessitent un examen approfondi, il est nécessaire d’avoir recours a une consultation auprès d’un avocat en cas de difficultés liées à la durée, la résiliation ou le du renouvellement du bail soumis à statuts.

1.     Durée du bail commercial

Le bail soumis au statut des  baux commerciaux ne peut avoir une durée inférieure à neuf ans, cette règle est d’ordre public.

Toutefois les parties sont libres de convenir d’une durée qui peut être supérieure à 9 ans (périodes triennales 3-6-9), de 12, 15 ou 18 ans.

Contrairement au droit commun, le bail ne cesse pas à la date prévue par la seule arrivée du terme.

Il faut savoir qu’il existe aussi des baux de courte durée, dont la durée maximale ne doit pas dépasser 2 années, ils ne sont pas soumis au statut légal des baux commerciaux.

2.     La résiliation du bail commercial au terme d’une période triennale sans motif

Le locataire a lui seul la possibilité de résilier le bail à l’expiration de chaque période triennale, sans avoir à la motiver.

Il devra dans ce cas respecter des formes et délais prévus par l’article l.145-9 du Code du Commerce, c’est-à-dire notifier le congé par acte d’huissier et au moins 6 mois avant la date de fin de la période triennale.

Le locataire qui décide de résilier au terme d’une période triennale ne peut prétendre à aucune indemnité et le bailleur récupère sans charge ses locaux, sauf si  une clause du bail le prévoit.

Attention : une clause peut être insérée dans le contrat de bail privant le locataire de son droit a résiliation triennal.

Une loi de 2009 relative aux services touristiques exclut pour les résidences de tourisme la faculté de résiliation triennale.

3.     Résiliation en cours de bail

En cours de bail et à tout moment le locataire peut résilier le bail s’il se situe dans l’un des cas suivants :

– Le locataire justifie qu’il a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ;

– Le locataire est admis à une pension d’invalidité ;

– Le locataire est associé unique d’une EURL ;

– Le locataire est gérant minoritaire depuis au moins 2 ans d’une SARL titulaire du bail.

La résiliation prendra effet à l’expiration du délai de préavis résultant du contrat ou de l’usage et en tous cas à l’expiration d’une durée de 6 mois au moins.

4.     Faculté de résiliation pour le bailleur

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l’immeuble ou pour le surélever. En cours de bail et à l’expiration d’une période triennale, il peut faire état de ses projets.

5.     Expiration de la durée contractuelle

La durée est fixée à 9 ans minimum pour les baux commerciaux soumis au statut.

Un congé doit être délivré pour mettre fin au bail et, en l’absence de congé, le bail se poursuit au-delà de la date d’expiration initialement prévue.

6.     Nécessité d’un congé

Une loi du 29 février 2012  précise que « les baux des locaux soumis au statut des baux commerciaux ne cessent que par l’effet d’un congé donné au moins 6 mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement.  A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite reconduction, le congé doit être donné au moins 6 mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil ».

Le congé est un acte juridique unilatéral  par lequel l’une des parties met fin au contrat, son effet n’est pas subordonné à l’acceptation du destinataire. Un congé ne peut pas être rétracté unilatéralement.

Forme du congé : il doit être obligatoirement par acte d’huissier et doit à peine de nullité comporter l’indication des motifs pour lesquels il est donné. Il doit indiquer que le locataire qui souhaite soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de 2 ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

Congé donné par le bailleur : le congé met fin au bail mais le bailleur doit indiquer s’il offre le renouvellement du bail ou s’il le refuse et dans ce cas s’il offre ou non une indemnité d’éviction.

Congé avec offre de renouvellement : le bailleur peut mentionner le montant  du nouveau loyer qu’il souhaite. S’il ne le fait pas le bail sera renouvelé à l’ancien prix si dans les 2 années aucune demande en fixation d’un nouveau loyer n’a été formée par l’une ou l’autre des parties.

Congé avec refus de renouvellement : le bailleur doit indiquer s’il offre ou non de payer une indemnité d’éviction. S’il offre une indemnité le montant n’est pas nécessairement indiqué dans le congé et le bailleur n’a pas à motiver le congé. S’il ne fait pas d’offre d’indemnité, le bailleur doit exposer les griefs retenus contre le locataire pour justifier un refus de renouvellement sans indemnité d’éviction.

Congé délivré par le locataire : le locataire peut donner simplement congé (sans motivation mais obligatoirement par acte d’huissier)  pour la date d’expiration du bail s’il souhaite quitter les lieux sans céder son fonds de commerce. Il peut aussi donner congé pour l’expiration d’une période triennale en respectant le délai de préavis de 6 mois minimum.

La demande de renouvellement du bail au terme de la période du bail (9 ans ou plus) a les mêmes effets qu’un congé. Le bailleur a l’obligation de répondre dans les 3 mois, à défaut il sera réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail.

7.     Régime particulier de la clause résolutoire dans les baux commerciaux soumis au statut

Le statut des baux commerciaux protège le locataire pour atténuer les effets de la clause résolutoire de plein droit.

Les clauses de résiliation de plein droit sans mise en demeure préalable sont interdites.

Le délai minimal qui est offert au locataire pour payer sa dette ou exécuter son obligation est de 1 mois.

La mise en demeure doit mentionner ce délai à peine de nullité.

La clause résolutoire peut être suspendue par le juge si le locataire demande des délais.

Le bailleur a aussi la possibilité de demander la résiliation judiciaire du fait de la non exécution par le locataire de ses obligations contractuelles.

8.     Droit au renouvellement du bail

Les conditions  générales posées par la loi :

Immatriculation au Registre du Commerce et des Société ou du Répertoire des Métiers.

Les locataires de nationalité étrangère sont privés du droit au renouvellement.
(Toutefois la Cour de Cassation dans un Arrêt du 9 novembre 2011 a exclu d’une manière générale l’application de ce texte et l’a donc implicitement abrogé). Il existe en outre des dérogations légales pour les étrangers intégrés, les ressortissants des Etats de l’Union Européenne, des étrangers qui bénéficient de la réciprocité législative.

Seul le propriétaire du fonds de commerce exploité dans le lieu bénéficie du droit au renouvellement. (La situation des Locations gérance, GIE, Magasins collectifs doit être examinée au cas par cas). L’exploitation suppose une exploitation effective du fonds pendant les 3 dernières années, mais la encore il faut examiner les situations au cas par cas.

Celui qui invoque le droit au renouvellement doit être titulaire du bail, la personne physique ou morale doit avoir à la fois la qualité de locataire des locaux et celle de propriétaire du fonds. (Règles particulières pour les fonds en location gérance et sous loués).

Les modes d’exercice du renouvellement :

L’offre de renouvellement met fin au bail en cours et reste provisoire tant qu’un nouveau contrat n’a pas été conclu entre les parties soit amiablement soit par l’effet d’une décision de justice. Le bailleur peut donc revenir sur son offre tant que ne s’est pas formée une nouvelle convention. Mais dans ce cas il devra verser une indemnité d’éviction sauf si le locataire ne remplie pas une des conditions pour bénéficier du droit au renouvellement.

Conséquence de l’inaction des parties à la suite du congé : il est admis aujourd’hui par la jurisprudence de la Cour de Cassation et la doctrine que l’inaction des parties au delà du délai de 2 ans a pour effet de maintenir le bail à l’ancien prix. Toutefois l’action en révision du prix si les conditions sont remplies pourra être introduite (baisse ou hausse de la valeur locative).

Demande de renouvellement par le locataire : il ne peut le faire qu’à défaut de congé par le bailleur qui doit le faire délivrer 6 mois avant la date d’expiration du bail. Après la date d’expiration du bail, celui-ci est tacitement reconduit. Le bailleur peut accepter le principe du renouvellement dans le délai de 3 mois par acte d’huissier ou le refuser avec ou sans indemnité d’éviction. Il peut accepter tacitement le principe du renouvellement en ne répondant pas pendant plus de 3 mois.

A défaut d’accord entre les parties sur le prix du loyer, chacune des parties peut saisir la juridiction compétente pour la fixation du prix.

Il faut noter que le bailleur qui a refusé le renouvellement du bail a un droit de repentir.

La durée du bail renouvelé est de 9 années au minimum.

Refus de renouveler le bail :

Dans le cas ou le bailleur exerce son droit de refuser le renouvellement il devra réparer le préjudice occasionné à son locataire, obligé de quitter les lieux, s’il ne justifie pas à son encontre d’un motif grave et légitime de refus et lorsqu’il n’exerce pas l’un des droits de reprise sans indemnité spécialement prévus par les articles L.145-17, alinéa 2 et L.145-22 du Code de commerce. Dans ces cas, une indemnité d’éviction sera mise à sa charge.

L’indemnité d’éviction est la réparation d’un préjudice laissée à la libre appréciation des juges. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce augmentée des frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur.

Le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction est possible si le bailleur est en mesure de justifier à l’encontre du locataire d’un motif grave et légitime. L’appréciation de ce motif est laissé à la souveraineté des juges du fond qui rechercheront au cas par cas si le maintien des rapports locatifs est tolérable eu égard à l’importance et la nature des manquement prétendus du locataire. La plupart des motifs de non renouvellement sans indemnité d’éviction sont liés directement à l’exécution du bail : paiement du loyer, changement de la destination des lieux, sous-location sans autorisation, exercice d’une activité non autorisée, défaut d’exploitation des locaux…)

Droit de reprise sans indemnité :

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans indemnité pour la reprise d’un immeuble dangereux ou insalubre.

 

Auteur : Maître Yann Pedler