Le nouveau mode de constitution du patrimoine des partenaires

Fiches pratiques — 1 janvier 2007

Le régime légal de constitution du patrimoine tel qu’il a été institué par la loi du 15 novembre 1999 a été critiqué en raison, notamment, de sa relative complexité liée, entre autre chose, à l’institution de deux présomptions d’indivision, en fonction de la nature juridique des biens (meubles meublants / autres biens). C’est la raison pour laquelle le législateur a institué à compter du 1er janvier 2007 un nouveau régime patrimonial (Loi du 23 juin 2006 entrant en vigueur le 1er janvier 2007).

Prenant radicalement le contre-pied des intentions du législateur de 1999, dont l’un des objectifs était de mettre en place un système permettant d’assurer une solidarité patrimoniale des pacsés, le législateur de 2006 a choisi de soumettre, à titre principal, le nouveau PACS au régime de la séparation des patrimoines.

Ce principe de séparation des patrimoines constitue le régime de base, c’est-à-dire qu’il est obligatoirement applicable à défaut d’un autre choix des pacsés. Le législateur de 2006, conscient sans doute d’une certaine incohérence par rapport aux objectifs poursuivis en 1999 (permettre la constitution d’un patrimoine commun), a toutefois laissé la possibilité aux pacsés de soumettre le PACS au régime d’une indivision.

1) Le nouveau principe d’un régime de séparation des patrimoines

Le nouvel article 515-5 du code civil pose le principe d’un régime légal de séparation des patrimoines puisque chacun des partenaires a seul l’administration, la jouissance et la disposition de ses biens personnels. Il s’agit de la stricte reprise des dispositions de l’article 1536 du code civil relatif au régime de la séparation de biens entre époux.

Chacun reste tenu de ses dettes personnelles qu’elles soient nées avant le PACS ou pendant le PACS à l’exception des dettes contractées pour les besoins de la vie courante, auquel cas la solidarité des pacsés a vocation à s’appliquer, sauf dépense manifestement excessive.

Quels sont les biens concernés par le principe de la propriété séparée ?

Il n’existe aucune distinction selon la nature juridique des biens. Ainsi les meubles et immeubles créés, acquis et/ou reçus par don ou legs à titre personnel avant l’enregistrement et/ou après l’enregistrement appartiennent au pacsé qui les a acquis ou reçus, sous réserve que le pacsé puisse démontrer par tous moyens qu’il est propriétaire.

Si pour les biens immobiliers la preuve de la propriété ne devrait pas poser de difficulté, en revanche la démonstration du caractère personnel de certains biens meubles pourrait poser problème si l’on songe par exemple aux meubles de famille et aux œuvres d’art, reçus au moyen de don manuel.

L’exception : les biens seront soumis à une indivision

Deux catégories de biens peuvent toutefois être placées sous le régime de l’indivision. Il s’agit des biens acquis et/ou reçus par don ou legs avant et après l’enregistrement du PACS sur lesquels le pacsé ne pourra justifier de la propriété personnelle. Ils seront soumis au régime de l’indivision par moitié, sans aucune dérogation contractuelle possible

L’autre catégorie de biens pouvant être soumis à l’indivision concerne les biens achetés en commun par les pacsés. En effet, le régime de la séparation des patrimoines n’interdit pas aux pacsés d’acheter en commun au cas par cas un bien. Dans une telle situation, le bien sera acquis en indivision, selon la clé de répartition déterminée par les pacsés et sera soumis aux règles de l’indivision légale (art.815 C.Civ), à moins que les pacsés n’aient choisi de conclure une convention d’indivision, dont le fonctionnement est gouverné par les articles 1873-1 et suivants du code civil.

2) L’option des pacsés pour l’indivision

La loi prévoit que « Les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions. Ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale » (art.515-5-1 C.Civ).

Disparition de la distinction entre meubles meublants et autres biens

Le législateur a supprimé la distinction posée par la loi du 15 novembre 1999, qui n’avait fondamentalement pas beaucoup de sens entre les meubles meublants, dont il était possible d’écarter la présomption d‘indivision par une clause générale dans le PACS, et les autres biens (meubles non meublant et immeuble) pour lesquelles l’indivision par moitié, pouvait aussi être écartée, non dans le contrat lui même par une clause générale mais, au cas par cas, dans chaque acte d’acquisition ou de souscription.

Quantum de l’indivision et caractère irréfragable de la nouvelle présomption d’indivision

Les partenaires qui souhaitent acquérir en commun un patrimoine peuvent opter pour ce régime d’indivision qui est, selon la volonté du législateur, obligatoirement une indivision par moitié, avec une impossibilité de rapporter la preuve contraire en cas de financement déséquilibré du bien acheté.

Rappelons qu’en droit commun, l’indivision est un mode d’établissement de la preuve : on présume qu’un bien est par exemple indivis par moitié mais il est toujours possible de rapporter la preuve contraire et de faire tomber la présomption de propriété par moitié en démontrant que l’on a financé totalement l’achat. Dans ce cas, le coindivisaire, outre sa quote-part, est titulaire d’une créance égale à la quote-part du partenaire qui n’a rien financé, de sorte qu’au moment du partage, celui qui a intégralement payé le bien devrait pouvoir le récupérer ou en récupérer la contre valeur.

Le législateur a choisi ici de faire la présomption d’indivision par moitié, une présomption dite irréfragable (qu’on ne peut pas renverser), instituant, non un mode de preuve destiné à définir la nature et le régime juridique d’un bien, mais une mécanique dont les effets sont totalement similaires à ceux du régime de communauté légale du mariage puisqu’une acquisition financée par un seul des pacsés profitera obligatoirement à l’autre pacsé, pour la moitié indivise.

Champs d’application de l’indivision

Le législateur a souhaité que tombe dans l’indivision, l’ensemble des biens acquis par les pacsés avec les fonds perçus durant le temps du PACS. En principe les deniers perçus durant le PACS mais non investis restent personnels, si l’on en croit les travaux parlementaires.

Les biens qui demeurent la propriété exclusive des pacsés

La liste des biens qui demeurent la propriété personnelle de chacun des pacsés est posée par l’article 515-5-2 du code civil. Il s’agit :

« 1° deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l’acquisition d’un bien;
2° Les biens créés et leurs accessoires;
3° Les biens à caractère personnel;
4°Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l’enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi;
5° Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession;
6° Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d’un bien dont l’un des partenaires était propriétaire au sein d’une indivision successorale ou par suite d’une donation.
L’emploi de deniers tels que définis aux 4° et 5° fait l’objet d’une mention dans l’acte d’acquisition. À défaut, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu’à une créance entre partenaires
».

Le législateur de 2006 a souhaité rompre avec l’imprécision de la loi du 15 novembre 1999 sur la détermination du caractère personnel de certains biens. Ainsi l’emploi de fonds détenus antérieurement à la conclusion d’un PACS ou de fonds provenant d’une donation ou un legs doivent faire l’objet d’une mention dans l’acte d’acquisition conclu durant le PACS. À défaut, le bien acheté avec ces deniers sera réputé indivis par moitié, ne pouvant dans le cadre de la liquidation puis du partage que donner lieu à une créance entre les pacsés, au bénéfice de celui qui a apporté les fonds

La gestion de l’indivision en l’absence de convention d’indivision

Le législateur a posé le principe que chacun des pacsés, à défaut de clause contraire dans le PACS, est réputé gérant de l’indivision avec les pouvoirs reconnus par les articles 1873-6 à 1873-8 du code civil (art.515-5-3 C.civ).

Ainsi le gérant exerce des pouvoirs similaires à ceux des époux sur les biens communs (dans le PACS sur les biens indivis), il peut vendre des biens meubles corporels (pas incorporels) pour une exploitation normale des biens indivis ou s’il s’agit de choses difficiles à conserver ou sujettes à dépérissement (art.1873-6 C.Civ).

Les décisions qui excèdent le pouvoir du gérant doivent être prises à l’unanimité ; il s’agit des actes d’administration (exemple : mise en location d‘un fonds de commerce par exemple) et de disposition (toute vente, cession autre que la vente des biens corporels) (art.1873-8 C.Civ)

Le recours à une convention d’indivision

Les pacsés peuvent souhaiter conclure un contrat d’indivision pour l’administration des biens indivis et mettre en place des règles de fonctionnement différentes de celles qui sont applicables à défaut d’un choix express. S’ils choisissent de conclure une convention d’indivision, les pacsés seront soumis aux prescriptions des articles 1873-1 à 1873-15 du code civil, c’est-à-dire l’ensemble des règles gouvernant l’indivision conventionnelle.

Durée de la convention d’indivision

L’article 515-5-3 alinéa 2 du code civil dispose que « Par dérogation à l’article 1873-3, la convention d’indivision est réputée conclue pour la durée du pacte civil de solidarité. Toutefois, lors de la dissolution du pacte, les partenaires peuvent décider qu’elle continue de produire ses effets. Cette décision est soumise aux dispositions des articles ». L’absence de prévoyance des pacsés quant à la durée de la convention est ainsi palliée.

La fin du PACS signifie qu’il convient de faire les comptes, liquider les droits des parties et partager les biens indivis. Dans ce cadre, l’un des pacsés peut solliciter l’attribution préférentielle d’un bien indivis, à charge pour lui de reverser une soulte correspondant à la valeur de sa quote-part indivise. Cela étant, la loi nouvelle prévoit que les pacsés bénéficient d’une certaine latitude au moment de la rupture du PACS puisqu’ils peuvent décider que la convention d’indivision qu’ils ont conclue, continuera, malgré la rupture, à produire ses effets.

À jour au 1er janvier 2007.