Ordonnance Macron : la conférence de presse

L'actu du CHRD — 31 août 2017

Le projet que nous vous présentons est un projet de transformation du code du travail d’une ampleur inégalée qui est la première étape de la rénovation de notre modèle social.

Les 5 ordonnances vont permettre 36 mesures concrètes et opérationnelles majeures qui vont changer le droit mais surtout à travers le droit les comportements du dialogue social dans notre pays. Le code du travail, législatif et réglementaire fixe les principes et pose le cadre. Et c’est à l’intérieur de ce cadre, que désormais la négociation fixera les règles de fonctionnements dans l’entreprise et dans la branche avec beaucoup plus de décentralisation et de grain à moudre, c’est-à-dire beaucoup plus de confiance dans les acteurs, c’est-à-dire employeurs, organisations syndicales pour faire progresser à la fois l’entreprise et les salariés. Pourquoi ? C’est parce que notre vision c’est que l’entreprise est un bien commun, et c’est le lieu où peuvent converger la compétitivité économique et le progrès social, mais pour ça il faut dialoguer, il faut converser, il faut convenir ensemble des voies de progrès. C’est un pari sur l’intelligence collective des entreprises, des salariés, de leurs représentants et au premier lieu d’entre elles, les organisations syndicales. Ce n’est pas simplement faire changer le code du travail, ce qui est en jeu c’est changer l’état d’esprit du code du travail, et nous saurons si nous avons réussis si dans quelques années la protection des salariés est toujours là. Ce sera déterminant pour l’investissement et l’emploi en France, et c’est donc le pari que nous prenons avec les partenaires sociaux.

Ces 5 ordonnances se regroupent sur 4 thèmes clés : le premier axe c’est que pour la première fois, une réforme du code du travail va donner la priorité au TPE, PME ; le deuxième c’est que faire confiance aux entreprises et aux salariés ça veut dire leur donner la capacité d’anticiper, de s’adapter  sur le terrain de façon simple, rapide et sécurisé ; le troisième axe c’est que ce projet de réforme amène de nouveaux droits et de nouvelles protections pour les salariés dans un contexte du travail qui change ; le quatrième, de nouvelle garanties pour les syndicaux et les délégués du personnel qui s’engagent dans le dialogue social car il faut que les acteurs soient formés pour le faire.

Sur le 1er point, pourquoi cette réforme du code du travail se concentre sur les TPE et les PME ? Aujourd’hui 95% des entreprises sont des PME et 55% des salariés travaillent dans les PME et la majeure partie de la création d’emploi est dans les PME. Donc si on a un droit du travail qui ne répond pas aux aspirations des salariés des entreprises de petites tailles, nous serions juste en train de faire un droit qui s’applique mal à la moitié des salariés en France. C’est pour ça que nous voulons faire cette priorité. Alors il y a une difficulté : car nous voulons renforcer le dialogue social mais la réalité c’est que dans les entreprises de moins de 50 salariés, il y a seulement 15% de délégués syndicaux. Le résultat c’est que les salariés et les PME sont privés d’une capacité de négocier qu’ont les plus grandes alors que leur besoin est aussi grand de discuter au plus près du terrain sur comment faire converger la performance économique sociale. Nous ouvrirons donc un droit à la négociation, qui sera ouvert de façon réelle et pragmatique à toutes les PME avec des modalités adaptées en dessous de moins de 50 salariés. Il sera possible de négocier dans les petites entreprises avec un élu du personnel même s’il n’y a pas de délégué syndical, et cela va permettre d’ouvrir un chant entier de négociation sur tous les sujets.

Nous voulons aller plus loin aussi sur les TPE où la notion de représentation a beaucoup moins de sens puisqu’il y a un contact direct. Nous allons élargir les possibilités de procéder par referendum ou par consultation direct auprès des salariés pour négocier, et nous ouvrions cette possibilité aussi s’il n’y a pas de délégué du personnel jusqu’à 20 salariés.

Toutes ces mesures visent à une chose : nous croyons au dialogue social entre l’employeur et les salariés, entre l’employeur et les représentants du personnel, les organisations syndicales et nous cherchons et nous trouvons les voies concrètes et pragmatiques pour que l’idée de la négociation soit possible à toutes les tailles d’entreprises, au bénéfice des TPE.

Un autre point important pour les TPE PME c’est la complexité du droit. C’est un frein à l’embauche et non pas le contenu. Nous allons faire un code du travail numérique, accessible, compréhensible pour répondre aux questions des TPE PME avec des exemples très complets. Nous avons besoin de nous adapter à un nouveau marché. Tout le code du travail sera présenté sous forme numérique de façon accessible

Un autre point important pour les TPE PME c’est la lisibilité en cas de licenciement et en particulier s’il y a contentieux, c’est-à-dire si le salarié demande des dommages et intérêts et va aux prudhommes. Je ne connais aucun chef d’entreprise qui embauche des salariés avec le désir de les licencier. Son but c’est de faire grandir son entreprise, d’avoir des salariés compétents. Mais il arrive qu’il y ait des désaccords et donc le fait d’être dans l’incertitude est un facteur dissuasif ; le frein à l’embauche est un frein lié à l’incertitude et donc c’est pour ça que nous mettrons en place un barème de dommages et intérêts impératif qui donne de la sécurité parce qu’il donne de la visibilité sur les contentieux potentiels. Ce barème ne s’appliquera pas dans les cas d’atteinte aux libertés fondamentales, mais pour les autres cas il permettra de donner une visibilité aux deux parties de façon anticipé. Le point important aussi pour les TPE et PME c’est que cette visibilité contient le sujet du vice de forme. Le vice de forme c’est si aujourd’hui dans le droit actuel, un agriculteur, un artisan dans une petite entreprise rédige mal sa lettre de licenciement qui est faite sur papier libre et bien le droit la condamne aux prudhommes parce qu’il n’y a pas de distinction entre le vice de forme et le fond. Donc demain dans les ordonnances le vice de forme ne l’emportera plus sur le fond ce qui permettra que des erreurs de forme de bonne foi ne soit pas pénalisante. En revanche, évidemment si c’est des infractions à la loi, au code du travail, l’entreprise doit être sanctionnée sur le fond. Pour aider ça il y aura également un formulaire type qui permettra comme pour la rupture conventionnelle, à l’employeur et aux salariés de connaitre très bien les droits et devoirs.

Ensuite, il y a des éléments clefs pour les TPE, PME, c’est la question de la mise en œuvre de la pénibilité et ce qui va s’appeler le compte professionnel de prévention. Il y a dix critères en termes de pénibilité qui permettent aux salariés de partir 2 ans avant à la retraite. Les lois précédentes avaient prévu ces critères qui étaient applicables ainsi et quatre autres critères n’étaient pas applicables pour les TPE, PME, puisqu’il s’agissait de chronométrer heure par heure ce que faisaient les salariés pour savoir s’il y avait des risques. L’ordonnance 5 va donc régler ce problème en supprimant l’obligation de déclaration pour les entreprises et en préservant le droit des salariés et un nombre important d’entre eux pourront partir plus tôt sur la base d’un examen médical à la retraite anticipée dès l’année prochaine. Un autre point de clarification, sur les règles du contentieux, en ce qui concerne les règles d’inaptitude : si un salarié est dans ce cas, le prud’homme doit juger du cas médical et demain, il y aura un expert médical qui leur donnera un avis. Enfin, deux derniers points importants : sur l’accords entre les branches d’entreprise pour les TPE PME : on demandera maintenant aux accords de branches d’avoir des dispositions spécifiques (exemple : des accords types simples) qui tiennent compte de la réalité des TPE PME et la prise en charge des salaires et des déplacements des salariés aura lieu pour qu’il puisse participer aux négociations de branches et que les négociateurs, tant patronales que salariales, aient en tête la situation des TPE, PME, ce qui n’est pas toujours le cas. Le deuxième point c’est faire confiance aux entreprises et aux salariés pour leur donner la capacité d’anticiper de façon simple, rapide et efficace. Une mesure majeure, très forte et très puissante, qui s’adresse à toutes les entreprises va être la possibilité de pouvoir s’adapter aux évolutions, à la hausse ou à la baisse, du marché par accord majoritaire simplifié sur le temps de travail, la rémunération et la mobilité. Dans les champs de négociation ouverts à l’entreprise, je vais donner deux exemples : les entreprises pourront désormais négocier leur propre agenda social, aujourd’hui il est imposé et ils pourront aussi négocier de modifier les primes qui sont décidées dans les branches professionnelles. Par exemple, dans une entreprise très jeune, les salariés, comme l’employeur, pourront préférer de négocier une prime de garde d’enfants plutôt qu’une prime d’ancienneté. Et bien évidemment, s’il n’y a pas d’accord de branches, ce sont les accords majoritaires qui s’appliquent. Autre point majeur et qui est le cœur de ce qui va changer l’état d’esprit de demain c’est la création du comité social et économique, le CSE, fusionnant les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT. C’est très important car c’est le lieu où l’on pourra discuter à la fois de l’économique et du social et qui réunira les compétences des trois instances fusionnées et nous verrons dans les semaines qui viennent, les moyens que l’on apportera aux personnels. C’est une simplification majeure et dans les entreprises de plus de 500 salariés ou dans les secteurs sensibles, il y aura d’office une commission sur ces sujets et par accords majoritaires dans toutes les entreprises où cela sera souhaité. Enfin, il y a une piste d’innovation pour le futur, une piste par accord majoritaire toujours, une possibilité de créer un véritable conseil d’entreprise. Un conseil d’entreprise c’est à la fois l’information et la consultation et c’est aussi la capacité à négocier. Il s’agit d’un mode de dialogue social plus avancé qui correspond à un souhait de plusieurs organisations syndicales pour aller plus loin dans la co décision. Un des points important pour le dialogue social, c’est comment gérer les ruptures collectives du travail. Alors nous n’allons pas changer les PSE mais nous pensons nécessaire d’instaurer ce que nous allons appeler la rupture conventionnelle collective. Pour les expertises, auxquelles ont recours les instances du personnel, nous voulons aller aussi dans cet esprit de co responsabilité par la mise en place d’un ticket modérateur c’est-à-dire la participation financière forfaitaire de 20% du coût des expertises par le CSE pour les expertises ponctuelles uniquement. Le point suivant concerne le renforcement du rôle des branches : nous allons conforter le rôle des branches dans de nombreux domaines car nous sommes un pays avec beaucoup de petites entreprises, nous avons besoin d’un encadrement par les branches. Nous allons ouvrir aussi aux branches la possibilité de négocier sur de nouveaux sujets et je pense notamment aux CDD et aux CDI de chantier. Alors pas le recours au CDD car le motif de recours reste dans la loi mais quel est le renouvellement entre deux contrats ? Quelle est la durée ? Un autre point important pour cette liberté et dynamique de dialogue, c’est l’appréciation du périmètre géographique en cas de licenciement collectif. Nous allons rejoindre le groupe majoritaire européen pour dire que c’est au niveau national que nous souhaitons le faire. L’expérience a prouvé que l’appréciation internationale ne protégeait pas les salariés. Donc nous allons être aux standards européens et c’est important pour les investissements internationaux.

En ce qui concerne le renforcement du rôle des branches, nous allons conforter le rôle des branches dans de nombreux domaines, car notamment parce que nous sommes un pays où il y a beaucoup de petites entreprises, nous avons besoin d’encadrement par les branches. Et puis il y a des sujets qui n’ont de sens qu’au niveau de la branche : la mutualisation de la formation, la mutualisation de la prévoyance, les classifications, tous ces sujets restent dans la branche.

Nous allons ouvrir aux branches aussi des possibilités de négocier sur des nouveaux sujets, et je pense notamment aux CDD et aux CDI de chantiers. Alors, pas le recours au CDD (le motif du recours reste dans la Loi), mais, quel est le renouvèlement entre deux contrats, quelle est la durée, le contrat de chantier, est-ce qu’il est pertinent qu’il y ait un contrat à durée déterminée, est-ce qu’il est pertinent dans le secteur… La différence est énorme dans les contraintes, mais surtout les possibilités et le sens que ça a entre l’aéronautique et l’agroalimentaire, et aujourd’hui, nous faisons confiance, là-aussi, aux employeurs et aux organisations syndicales dans les branches, pour négocier, si elles le souhaitent, sur ces sujets, et sinon, la Loi s’applique telle qu’elle est.

Un autre point important pour cette liberté, cette dynamique de dialogue, c’est l’appréciation du périmètre géographique en cas de licenciement collectif : nous allons rejoindre le groupe majoritaire européen pour dire que c’est au niveau national que nous souhaitons le faire. Pourquoi ? C’est un niveau où, on sait vraiment expertiser et de toute façon l’expérience a prouvé que l’appréciation internationale et mondiale ne protégeait pas les salariés, ne protégeait pas plus.

Donc nous allons être au standard européen, ce qui va être un point très important, et très regardé par les investissements internationaux. les investissements internationaux, et j’en parle d’expérience, je peux vous dire que les deux qu’ils n’arrivent pas à comprendre parce que c’est très spécifique à la France, et qui les bloquent dans les investissements , c’est le sujet des barèmes, et le sujet du fait qu’on leur demande finalement d’avoir une approche monde à un sujet qui est lié à un problème de marché national. Mais, évidemment, le juge continuera à contrôler les fraudes, nous l’expliciterons dans la loi, en particulier s’il y avait – c’est des cas minoritaires, mais ils existent – des difficultés artificielles créées par certaines entreprises.

Nous aurons aussi des simplifications dans les domaines du reclassement, qui est source à contentieux énormes, des choses parfois un petit peu ubuesques, aujourd’hui on demande à une entreprise de donner tous les postes ouverts dans le monde, même ceux qui sont très inférieurs au SMIC, en Indonésie, ou en Roumanie, et c’est souvent insupportable pour les salariés qu’on leur dise que c’est ça qu’on leur propose, c’est l’l’obligation légale aujourd’hui, en revanche, nous allons faire mieux, puisque tous les postes seront ouverts en permanence à tous les salariés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, uù c’est juste à un instant donné.

Enfin, pour les délais de recours en cas de contestation de la rupture de contrat de travail par le salarié, quand le salarié conteste un accord signé avec les syndicats, aujourd’hui il y a deux délais, eh bien nous harmoniserons pour le licenciement économique et le licenciement de personnel à douze mois.

Le troisième sujet concerne les nouveaux droits et protection des salariés, premier point, je l’ai déjà dit dans le cas du conseil d’entreprise, c’est une véritable codécision sur laquelle pourront peser les salariés. Deuxièmement, nous allons anticiper le calendrier de passage à l’accord majoritaire : une loi précédente a prévu que tout accord, dans le futur, mais en principe à partir de septembre 2019, doive être majoritaire ; mais là nous allons donner beaucoup plus de grain à moudre, beaucoup plus de champ possible de négociation, aux partenaires sociaux dans l’entreprise. Donc il faut être cohérent, et il faut passer à l’accord majoritaire beaucoup plus vite : ça sera fait au plus tard le 1er mai 2018.

Un autre point, une nouvelle liberté pour les salariés, concerne le télétravail : le télétravail est une aspiration de 61% des salariés en France, une réalité de 17% des salariés. Il est très important pour garde un tissu rural, car on peut avoir des espaces partagés et travailler à distance en zone rurale. C’est un élément du bien-être au travail et de l’équilibre de vie professionnelle et vie personnelle, il permet de prendre en compte des contraintes de vie personnelles, et des aspirations des jeunes générations. Aujourd’hui, il n’est pas sécurisé, ni pour les salariés, ni pour les entreprises. Donc une série de mesures, je ne vais pas les détailler, vont permettre de le sécuriser, et permettre ce développement, dans l’intérêt des salariés et des entreprises.

Ensuite, nous pensons qu’une réforme, pour être juste, et une transformation, pour être juste, doit être équilibrée, et si nous plafonnons les barèmes aux prud’hommes, il faut par ailleurs augmenter les indemnités légales de licenciement qui s’appliquent à tous les licenciements. Aujourd’hui, nous sommes dans des pays qui ont des indemnités légales plutôt basses. Il vaut mieux prévenir que guérir, et c’est pourquoi nous augmenterons les indemnités de licenciement de 25%. Concrètement, cela veut dire qu’un salarié qui est payé aujourd’hui 2000(e) perçoit encore aujourd’hui, au bout de 10 ans d’ancienneté, 4000(e) d’indemnités. Il en aura 5000 désormais.

Il y aura aussi plus de lisibilité et d’équité pour les salariés, car le plafonnement et le plancher et le plafond des dommages et intérêts permettra d’éviter les disparités actuelles, qui vont du simple au quadruple.

Deux salaires de même âge, même ancienneté, même situation pour le même contentieux peuvent avoir du simple au quadruple dans les dommages et intérêts, ça n’est pas non plus équitable.

Enfin, sur ce sujet, c’est important qu’on renforce les droits à la formation : nous aurons l’occasion, dans les mois qui viennent, de parler énormément de formation, qui est la meilleure des sécurités, c’est la compétence, et donc c’est pour ça, lorsqu’un salarié refuse un accord majoritaire signé par les organisations syndicales qui porte sur le travail ou la rémunération, aujourd’hui il est licencié de fait, il sera toujours licencié de fait, avec le droit assurance-chômage, mais con compte personnel de formation sera abondé de 100 heures par l’employeur.

Les branches professionnelles, dont j’ai dit qu’elles auront plus de compétences, pourront aussi, en matière de gestion et de qualité, innover et aller plus loin, pour l’équité entre les salariés.

Nous pensons notamment aux salariés handicapés, qui aujourd’hui font l’objet de peu d’accords de branche, et il y a donc assez peu d’équité parmi les salariés handicapés sur ce sujet, et donc nous demanderons aux branches de négocier au-dessus de ce qui est dans la loi, pour garantir l’égalité et l’accès à l’emploi des salariés handicapés dans leur branche.

Le Code du Travail Numérique, il est fait pour les TPE-PME, mais il est fait aussi pour les salariés. Demain, ça veut dire que si je suis un salarié et que je m’interroge chez mon employeur « ce qu’il me propose est légal », je pourrais dire temps de travail, bâtiment, quelles sont les conditions de la loi et ensuite de la convention collective pour savoir si je suis dans mon droit. Cette mesure aussi, c’est une clarté du Droit, et le droit formel n’est pas très intéressant, ce qui est intéressant c’est le droit exerçable, et pour ça il doit être connu de façon simple.

Dernier point, les nouvelles garanties pour les syndicats et les élus du personnel qui s’engagent dans le dialogue social : j’ai retenu 10 propositions que Jean-Dominique Simonpauli m’a proposée dans le cadre d’une mission que je lui ai confiée, et qui est clef, parce que si nous renforçons le dialogue social, il faut aussi renforcer les acteurs du dialogue social. Le premier point, qui sera fixé par décret, c’est les moyens garantis pour le nouveau CSE, et des formations renforcées pour exercer son mandat. Le deuxième, c’est un accès à la formation professionnelle et au bilan de compétences renforcé, et la valorisation des compétences acquises pendant le mandat syndical ou le mandat d’élu. Pourquoi ? Aujourd’hui, il y a une crise des vocations syndicales ; et nous pensons que nous avons besoin de syndicats pour faire progresser les entreprises, comme nous avons besoin d’employeurs qui aient de l’audace et de l’ambition pour faire progresser les entreprises et le progrès social. Et pour ça il n’y a pas assez de vocations. Pourquoi, parce que c’est très difficile aujourd’hui après un mandat, de continuer sa carrière professionnelle. Et donc il faut reconnaître ses compétences, faciliter ce bilan de carrière, et nous faciliterons les accords qui vont dans ce sens pour permettre de vraies carrières professionnelles pour des gens qui, un temps donné, ont eu un mandat.

Nous permettrons aussi une plus grande facilité à nommer un délégué syndical lorsque l’ensemble des élus qui obtenu 10% ne veulent pas être nommée délégués syndical, une organisation qui a obtenu 10% pourra nommer un délégué syndical qui ne figure pas sur la liste pour qu’il n’y ait pas vacance du dialogue social faute de partenaires. Nous allons également créer un observatoire de la négociation. Nous voulons plus de négociation, vous l’avez compris, à tous les niveaux, d’abord au niveau de l’entreprise, aussi au niveau de la branche, et donc il faut qu’on évalue cette évolution culturelle forte du renforcement de la négociation de organisations syndicales, des élus du corps personnel, à toutes les tailles d’entreprises. Nous verrons, cet observatoire permettra de voir aussi les évolutions de la formation, de la carrière, et faire pour la première fois un suivi de la discrimination syndicale, qui est minoritaire, mais qui existe, et qui est inacceptable.

Nous renforcerons aussi les possibilités d’évolution de l’accès aux concours de l’inspection du travail pour les anciens mandataires syndicaux ou patronaux, qui apporterons leur expérience dans l’entreprise à l’inspection du travail.

Et enfin nous mobiliserons un réseau de grandes écoles et universités volontaires pour contribuer à former les militants syndicaux.

Conformément aux engagements du Président de la République, nous souhaitons une évaluation non seulement continue et non seulement parlementaire, mais nous souhaitons définir avec les partenaires sociaux dans les semaines qui viennent, les critères sur lesquels nous allons évaluer l’impact de cette loi en matière de dynamique, en matière de dialogue social, et en matière in fine de compétitivité et de progrès social.

Ce projet, vous l’avez compris, il devient en quelques semaines une réalité qui entrera en vigueur très vite, donne du grain à moudre aux partenaires, fait confiance aux acteurs de terrain pour savoir ce qui est bon pour l’entreprise, ce qui est bon pour les salariés, et donc c’est dans la droite ligne de l’héritage social de la France, où nous avons une culture sociale forte, je dirais, de l’héritage social français et européen, qui se distingue dans le monde par sa culture sociale.

Edouard Philippe

Ces ordonnances seront présentées au Conseil des ministres, je vous rappelle que je m’étais engagé à ce que ces ordonnances soient présentées en conseil des ministres afin qu’elles puissent être signées à la fin de l’été par le Président de la République. Sur la question du calendrier, nous avons là aussi voulu respecter le calendrier présenté aux organisations syndicales et prendre en compte les arguments présentées par chacun.

Entre aujourd’hui et le 22 septembre, le débat public va naitre, chacun pourra se faire un avis, les responsables syndicaux vont dire ce qu’ils pensent de ces ordonnances notamment.

Les cinq ordonnances vont être présentées à au moins cinq organismes de consultations dans lesquelles sont représentées la plupart des organismes syndicaux et les organisations patronales. Chacun émettra un avis. Le Président de la République pourra les signer et dès la fin du mois de septembre, elles entreront en vigueur.

Si nous sommes conscients qu’agir sur le droit du travail peut constituer un élément important contre la lutte contre le chômage. Il serait faux de résumer la lutte contre le chômage à une transformation du seul code du travail. Il faut accompagner cela d’autres progrès sur ces champs : le coût du travail par exemple, avec une diminution des cotisations salariales et patronales pour permettre de faire plus.

Un troisième champ de bataille : le terrain de la formation, la meilleure protection c’est la formation et la compétence. Si l’on veut des résultats, il faut mettre en place une transformation d’un point de vue d’apprentissage et de formation. S’agissant de l’apprentissage et de la formation professionnelle, nous allons engager dès la fin du mois de septembre, conformément à ce que nous avions annoncé le 6 juin, une réflexion avec les partenaires sociaux sur ces sujets pour permettre avant la fin du printemps 2018, l’élaboration d’un schéma élaboré sur l’apprentissage et la formation professionnelle. J’insiste là-dessus car il est vain de penser qu’une seule solution changera les choses.

Questions/réponses :

Bloomberg

Qu’est ce qui dans les ordonnances permet aux investisseurs étrangers de se dire que d’ouvrir une entreprise ou une usine en France ne leur en fait plus encourir des risques importants ? Et pourquoi ne pas avoir touché aux contrats de travail, notamment le CDI ?

Edouard Philippe

Un certain nombre d’investisseurs sont réticents à venir en France pour beaucoup de raisons et notamment l’incertitude sur le droit du travail. On peut ne pas la comprendre mais la nier serait absurde. L’objectif est de rendre plus clair l’embauche : si vous voulez installé une trentaine de personnes sur un site, même s’il n’y a pas de représentants d’organisation syndicale, vous pourrez organiser une négociation collective. Voilà quelque chose qui n’était pas possible. Si vos affaires vont bien, tant mieux, si elles ne vont pas bien, vous pourrez, en sachant qu’elles sont les règles, développer votre entreprise ou en réduire un peu la taille pour passer les difficultés. S’agissant de développer l’attractivité de la France en matière de production, il y a une action en matière de fiscalité et de prévisibilité. Nous présenterons un PJL en fin d’année à l’AN qui permettra de comprendre ce que nous allons faire en matière fiscale. Et un des arguments qui font hésiter les investisseurs, c’est le sentiment de l’imprévisibilité fiscale française. Leur montrer que la fiscalité est stable en France, c’est déjà les rassurer et les inciter à venir en France.

Le Monde

Est-ce que vous vous êtes interrogés sur le fait que le plafonnement des intérêts prudhommaux n’augmenterait pas le nombre de licenciements ?

Edouard Philippe

Nous voulons servir l’intérêt des salariés et des employeurs. Nous créons une sécurisation et une sécurité entre les salariés. Nous avons tous collectivement à gagner à la visibilité et à la sécurité, à la fin cela se verra nettement.

LCI

Craignez-vous une rentrée agitée aux vues des opinions des représentants syndicaux ?

Edouard Philippe

Les représentants syndicaux ont été clairs mais aussi nuancés. Car il y a aussi des points positifs. Nous ne voulons pas faire plaisir à telle ou telle organisation syndicale. Notre objectif est de transformer le droit du travail de manière cohérente pour que cela soit efficace. Certain voulait aller très loin sur un domaine, d’autres voulaient qu’on ne bouge surtout pas sur ledit domaine. A la fin, il faut un arbitrage. La transformation est nécessaire, mais des décisions doivent être prises, elles seront soit accueillies avec bienveillance, soit critiquées. Il faut regarder le texte dans un ensemble, car ce n’est pas une juxtaposition de mesures sans liens.

Les Terriens du dimanche

On parle d’une dizaine de personnes qui auraient rédigées ces ordonnances. Sont-ce ces fameuses dix personnes qui ont rédigées ces 200 pages du code du travail ? Certains disent que ces personnes étaient directement sous la tutelle de l’Elysée ? Peut-on avoir le profil de ces gens ?

Edouard Philippe

Nous avons décidé de passer par les ordonnances. Elles sont rédigées par le gouvernement sur proposition de l’Assemblée nationale qui a décidé des orientations vers lesquelles le gouvernement est autorisé à aller. Le premier moment, ça a été préparé par la loi d’habilitation par le parlement. 600 amendements analysés et adoptés. Une loi d’habilitation votée pour que le gouvernement puisse créer les ordonnances. Ce sont les services de Matignon qui ont travaillé pour créer un texte que vous avez sous les yeux. Les textes sont préparés entre les services de l’administration qui travaillent, la ministre du Travail, Matignon et l’Elysée : cela a fait l’objet d’un travail collectif d’une très grande fluidité et intensité. Nous sommes heureux des résultats proposés.