Ordonnance Macron : la barémisation des indemnités versées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Fiches pratiques, L'actu du CHRD — 24 octobre 2017

CodedutravailDans le cadre de la réforme du droit du travail annoncée par le Président de la République, a été publiée au Journal Officiel la loi du 15 septembre 2017 habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Suite à cette publication, sont parues au Journal Officiel du 23 septembre les 5 ordonnances suivantes :

ordonnance n° 2017-1385 du 22/09/17 relative au renforcement de la négociation collective

ordonnance n° 2017-1386 du 22/09/17 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales

ordonnance n° 2017-1387 du 22/09/17 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

ordonnance n° 2017-1388 du 22/09/17 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective

ordonnance n° 2017-1389 du 22/09/17 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention

Nous reviendrons plus en détail sur les différents thèmes abordés par ces ordonnances pouvant vous impacter.

Attention, certaines mesures nécessitent la publication de décrets d’application. En conséquence, certaines informations vous seront communiquées plus tardivement.

Ici, nous faisons le point sur l’instauration d’un barème concernant les indemnités prud’homales versées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Initialement prévue dans le cadre de la loi Macron du 6 août 2015 mais censurée par le conseil constitutionnel, puis intégrée dans le projet de loi travail avant d’en être finalement retirée, la barémisation des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est finalement instituée par l’article 2 de l’ordonnance n° 2017-1387.

Cette barémisation s’applique aux contentieux consécutifs à des licenciements notifiés postérieurement à la publication des ordonnances, soit aux contentieux prononcés après le 23 septembre 2017.

Jusqu’à présent, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut de réintégration du salarié, l’employeur était condamné à verser aux salariés une indemnité dont le montant était fixé par le juge prud’homal dans des conditions variant selon l’ancienneté du salarié (plus ou moins 2 ans d’ancienneté) et l’effectif de l’entreprise (plus ou moins 11 salariés).

Cette indemnité n’était soumise à aucun plafond, le juge évaluait souverainement le montant de l’indemnité.

Désormais, en application de l’ordonnance susvisée, le juge doit fixer le montant de l’indemnité en respectant un plancher (montant minimal) et un plafond (montant maximal) variable selon l’effectif de l’entreprise et l’ancienneté du salarié.

En pratique, ce changement permet d’accroître la visibilité des risques financiers encourus par l’entreprise.

De ce fait, en cas de litige, si le salarié ou l’employeur refuse la réintégration dans l’entreprise (proposée par le conseil des prud’hommes lorsque c’est possible), le juge doit accorder une indemnité dont le montant varie selon l’effectif de l’entreprise et l’ancienneté du salarié.

Par exception, aucun montant minimal n’est prévu pour les salariés ayant moins d’un an d’ancienneté dans l’entreprise.

Concernant la base de calcul de cette indemnité, l’ordonnance précise que le barème est exprimé en mois de salaire brut mais sans apporter de précision quant à la période à prendre en considération.

Ce barème s’impose également aux juges en cas de résiliation judiciaire ou de prise d’acte de rupture prononcée aux torts de l’employeur.

Ainsi, en pratique, les juges devront respecter les indemnités minimales et maximales  suivantes :

Ancienneté du salarié dans l’entreprise

(en années complètes)

Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)

Indemnité maximale

(en mois de salaire brut)

Entreprises de 11 salariés et plus

Entreprises de moins de 11 salariés

0

1

1

1

0,5

2

2

3

0,5

3,5

3

3

1

4

4

3

1

5

5

3

1,5

6

6

3

1,5

7

7

3

2

8

8

3

2

8

9

3

2,5

9

10

3

2,5

10

11

3

10,5

12

3

11

13

3

11,5

14

3

12

15

3

13

16

3

13,5

17

3

14

18

3

14,5

19

3

15

20

3

15,5

21

3

16

22

3

16,5

23

3

17

24

3

17,5

25

3

18

26

3

18,5

27

3

19

28

3

19,5

29

3

20

30 et au-delà

3

20

L’ordonnance précise que lors de la fixation du montant, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture.

De plus, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse reste cumulable, dans la limite des montants maximaux du barème, avec les indemnités prévues en cas de violation des règles applicables aux licenciements pour motif économique, à savoir :

  • l’indemnité prévue en cas de non-respect par l’employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d’information de l’autorité administrative,
  • l’indemnité prévue en cas de non-respect de la priorité de réembauche,
  • l’indemnité prévue en cas d’irrégularité de la procédure de licenciement économique dans une entreprise où le CE ou les DP n’ont pas été mis en place alors que l’entreprise est assujettie à cette obligation et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi.

Enfin, l’ordonnance prévoit que le barème susvisé ne s’applique pas lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités suivantes :

  • violation d’une liberté fondamentale,
  • licenciement d’une victime ou d’un témoin de faits de harcèlement moral ou sexuel,
  • licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice tendant à faire constater l’existence d’une discrimination,
  • licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes, ou en matière de dénonciation de crimes et délits,
  • licenciement lié à l’exercice d’un mandat par un salarié protégé,
  • non-respect des protections spécifiques attachées à la grossesse, la maternité, la paternité, l’adoption et l’éducation des enfants ; et des protections dont bénéficient les personnes victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Ainsi, dans l’un des cas de nullité susvisé, si le salarié ne demande pas la poursuite du contrat de travail ou si la réintégration est impossible, le salarié aura droit au versement d’une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. Cette indemnité n’est pas plafonnée.

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Nous profitons de cette information pour vous informer d’un changement apporté aux sanctions en cas de licenciement irrégulier dans les entreprises de moins de 11 salariés ou pour les salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté.

Jusqu’à présent, en cas de licenciement irrégulier dans les entreprises de moins de 11 salariés ou pour les salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté, l’indemnisation était fixée par le juge en fonction du préjudice subi.

Désormais, conformément à l’article 4 de l’ordonnance n° 2017-1387, toute irrégularité de procédure (ex : irrégularités afférentes à l’entretien préalable ; lettre de convocation ; assistance du salarié ; exposition des motifs lors de l’entretien) sera susceptible d’être réparée par une indemnité qui ne pourra pas être supérieure à un mois de salaire.

Et ce, quels que soient l’effectif de l’entreprise et l’ancienneté du salarié.

NB : Les ordonnances publiées au JO entrent en application immédiatement (certaines mesures sont soumises à la publication de décrets d’application).

Toutefois, afin d’être pérennisées, ces ordonnances devront être ratifiées par une loi. L’examen parlementaire de cette loi de ratification est prévu pour le mois de Novembre. Nous vous tiendrons informés dès la publication de cette loi.

Source : circulaire sociale UMIH 24-17