Ordonnance Macron : la réforme du compte pénibilité

Fiches pratiques, L'actu du CHRD — 8 décembre 2017

Dans le cadre de la réforme du droit du travail annoncée par le Président de la République, a été publiée au Journal Officiel la loi du 15 septembre 2017 habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Suite à cette publication, sont parues au Journal Officiel du 23 septembre les 5 ordonnances suivantes :

ordonnance n° 2017-1385 du 22/09/17 relative au renforcement de la négociation collective

ordonnance n° 2017-1386 du 22/09/17 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales

ordonnance n° 2017-1387 du 22/09/17 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

ordonnance n° 2017-1388 du 22/09/17 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective

ordonnance n° 2017-1389 du 22/09/17 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention

Nous reviendrons plus en détail sur les différents thèmes abordés par ces ordonnances pouvant vous impacter.

Attention, certaines mesures nécessitent la publication de décrets d’application. En conséquence, certaines informations vous seront communiquées plus tardivement.

Ici, nous faisons le point sur les simplifications apportées au dispositif de prévention de la pénibilité.

En effet, comme annoncé au début du mois de juillet 2017, le gouvernement maintient dans son principe le dispositif mais l’aménage dans le cadre de l’ordonnance n° 2017-1389 du 22/09/17.

Bien que nous soyons dans l’attente de décrets d’application sur plusieurs mesures, nous avons jugé utile de vous informer sur les principales modifications apportées par ladite ordonnance et applicables depuis le 1er octobre 2017.

Jusqu’à présent, les entreprises, quel que soit leur effectif, devaient déclarer les salariés exposés à l’un des 10 facteurs de risques liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail, dès lors que les seuils règlementaires étaient dépassés.

Ces 10 facteurs sont entrés en application progressivement :

  • Depuis le 1er janvier 2015 : application de 4 facteurs de risques liés à certains rythmes de travail ou à un environnement physique agressif : travail de nuit, travail répétitif, travail en équipes successives alternantes et travail en milieu hyperbare ;
  • Depuis le 1er juillet 2016 : application de 6 autres facteurs liés à des contraintes physiques marquées ou à un environnement physique agressif : manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux, bruit et températures extrêmes.

Les salariés accumulaient ainsi des points sur un compte personnel de prévention de la pénibilité, qui leur permettaient ultérieurement :

  • de bénéficier d’actions de formation pour se réorienter vers un métier moins pénible ou sans pénibilité,
  • de réduire leur durée du travail en maintenant leur rémunération,
  • ou de partir en retraite plus tôt.

Très critiqué par sa grande complexité et afin de symboliser le changement, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est rebaptisé « compte professionnel de prévention (C2P) » depuis le 1er octobre 2017.

Il n’est plus ainsi fait référence à la pénibilité. Désormais, l’ordonnance n° 2017-1389 évoque la prévention des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels.

L’ordonnance n° 2017-1389 du 22/09/17 exclut du champ du C2P 4 facteurs de risques professionnels sur les 10 en les associés à un dispositif qui existe déjà, la retraite anticipée pour incapacité permanente (appelée également retraite anticipée « pénibilité »).

De plus, ladite ordonnance modifie le financement du nouveau compte en supprimant, à partir 1er janvier 2018, les deux cotisations et le fonds dédiés au C3P.

Remarque : Les facteurs de risques professionnels (précédemment dénommés facteurs de pénibilité) sont désormais listés dans la partie législative du Code du travail. Ils sont identiques à ceux actuellement listés dans la partie règlementaire. Cependant, les modalités d’application feront l’objet de décrets à venir.

L’exclusion de 4 facteurs de risques professionnels du champ du C2P

Depuis le 1er octobre 2017, seuls 6 facteurs demeurent dans le champ du nouveau compte professionnel de prévention (C2P) : travail de nuit, travail répétitif, travail en équipes successives alternantes, travail en milieu hyperbare, au bruit ou à des températures extrêmes.

En revanche, les 4 autres facteurs (manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux), jugés trop complexes à mesurer, sortent du dispositif de prévention. Aussi, la mesure de l’exposition à ces facteurs de risques n’est plus exigée.

Par conséquent, depuis le 1er octobre 2017, l’obligation de déclaration (via la DSN) :

  • ne porte plus que sur les 6 facteurs de risques. Sous réserve d’éventuelles modifications par décret, pour ces facteurs, les règles actuellement appliquées sont globalement maintenues.
  • est supprimée pour les 4 autres facteurs de risques.

Le dispositif de retraite anticipée pour les 4 facteurs exclus du C2P

Désormais, les 4 facteurs exclus du compte professionnel de prévention sont traités dans le cadre du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente liée à la pénibilité.

Pour en bénéficier, le salarié devra avoir contracté une maladie professionnelle, figurant sur une liste à fixer par arrêté, consécutive à l’exposition à un ou plusieurs des 4 facteurs de risques professionnels exclus du C2P et être victime d’une incapacité permanente au moins égale à un taux qui sera déterminé par décret.

Aucune condition spécifique à la durée d’exposition n’est exigée et il n’est pas nécessaire d’établir que l’incapacité permanente dont est atteint le salarié soit directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels.

De plus, l’avis de la commission pluridisciplinaire, habituellement requis dans le cadre du dispositif de retraite anticipée, ne sera pas nécessaire. Une visite médicale de fin de carrière permettra aux salariés concernés de faire valoir leurs droits, avait précisé le Premier Ministre début juillet.

Plusieurs paramètres restent donc encore à déterminer par décret :

  • le taux minimal d’incapacité permanente exigé. Selon le rapport du Président de la République relatif à l’ordonnance et publié le même jour au Journal Officiel, le taux minimal serait fixé à 10 %,
  • et la liste des maladies professionnelles concernées.

Un abondement du CPF

L’ordonnance prévoit que la victime atteinte d’une incapacité permanente supérieure ou égale à un taux qui sera déterminé par décret pourra bénéficier d’un abondement de son compte personnel de formation (CPF), selon des modalités à préciser par décret.

Ces heures pourront notamment être utilisées dans un but de réadaptation fonctionnelle, de rééducation professionnelle, de reclassement ou de reconversion.

Cet abondement du CPF entrera en vigueur à la date fixée par décret et, au plus tard, le 1er janvier 2019.

Une suppression de la cotisation de base et de la cotisation additionnelle

Actuellement, afin de financer le fonds chargé de la gestion du compte pénibilité,  2 types de cotisations sont à la charge des employeurs :

  • une cotisation de base de 0,01 % due par tous les employeurs
    une cotisation additionnelle de 0.2 % (ou de 0.4 % en cas de poly-exposition) due par les employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité au-delà des seuils règlementaires.

L’ordonnance acte le transfert, à compter du 1er janvier 2018, du financement du nouveau compte professionnel de prévention (C2P) à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

A partir du 1er janvier 2018, les deux cotisations ainsi que le fonds dédié au compte pénibilité actuel seront, par conséquent, supprimés.

Les droits acquis au titre du nouveau C2P seront dès lors financés dans le cadre de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

La gestion et le contrôle du compte

A partir du 1er janvier 2018, la gestion du C2P sera confiée à la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et non plus à la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV).

Le sort des points du C3P et les demandes d’utilisation faites avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance

Tous les droits acquis au titre du C3P par le salarié et non utilisés sont conservés et transférés sur le C2P. Ces points peuvent être utilisés selon les dispositions règlementaires actuelles jusqu’à la publication des décrets requis par l’ordonnance et, au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2018.

Les conditions d’utilisation des points inscrits dans le nouveau C2P ainsi que les modalités du transfert des fonds doivent être déterminées par décret.

L’entrée en vigueur

► Sous réserve des mesures nécessitant la parution de décret d’application, les dispositions de la présente ordonnance (la substitution du C3P par le C2P ainsi que le départ en retraite anticipée pour incapacité permanente liée à la pénibilité) est entrée en vigueur le 1er octobre 2017, à l’exception des dispositions relatives à la gestion et au financement du compte professionnel de prévention qui, elles, entreront en vigueur le 1er janvier 2018.

► Pour les expositions au titre des années 2015, 2016 et des 3 premiers trimestres de 2017, les règles actuelles relatives à la déclaration des expositions, à l’ouverture et à l’abondement du compte, à l’utilisation du compte, au contrôle, au contentieux ainsi qu’au financement demeurent applicables dans leur rédaction antérieure aux dispositions de la présente ordonnance.

Par conséquent, pour les 4 facteurs sortant du C2P, les employeurs devront déclarer, début  2018, les expositions 2017 constatées sur les 3 premiers trimestres de l’année.

La déclaration concernant les 6 autres facteurs sera effectuée sur la totalité de l’année et selon les modalités actuellement en vigueur.

► Concernant la cotisation additionnelle, pour le 4ème trimestre 2017, elle sera due par les seuls employeurs ayant exposé au moins un de leur salariés aux 6 facteurs de risques professionnels qui demeurent dans le C2P. Par conséquent, seules les rémunérations ou gains des salariés exposés à ces 6 facteurs doivent être pris en compte dans le calcul du montant de la cotisation.

  • En résumé :

 

Conditions applicables au titre de l’année 2017 et ce jusqu’au 31 décembre 2017

Pour rappel, en principe les entreprises déclarent les salariés exposés au cours d’une année N au plus tard le 5 ou le 15 janvier de l’année N+1, au moyen de la DSN.

En pratique, début 2018, les entreprises devront :

déclarer les expositions aux facteurs de risques professionnels au titre de l’année 2017 comme suit :

  • Les expositions aux 4 facteurs de risques professionnels exclus du C2P (manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux) devront être déclarées mais uniquement au titre des 3 premiers trimestres de 2017 (1er janvier – 30 septembre 2017) ;
  • Les expositions aux 6 facteurs de risques professionnels inclus dans le C2P (travail de nuit, travail répétitif, travail en équipes successives alternantes, travail en milieu hyperbare, au bruit ou à des températures extrêmes) devront être déclarées sur la totalité de l’année 2017 ;

– payer, au titre de l’année 2017, les cotisations « pénibilité » comme suit :

  • la cotisation de base de 0,01 % due par tous les employeurs ;
  • et, le cas échéant, la cotisation additionnelle de 0,02 % (ou de 0,04 % en cas de poly-exposition) au titre de l’exposition à un ou plusieurs des 10 facteurs de risques professionnels pour les 3 premiers trimestres de l’année 2017 (1er janvier – 30 septembre 2017) et uniquement au titre des 6 facteurs de risques professionnels pour le dernier trimestre 2017 (1er octobre – 31 décembre 2017).

 

 

Conditions applicables à partir du 1er janvier 2018

Seuls les facteurs de risques inclus dans le C2P liés à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail feront l’objet d’une déclaration (via la DSN) de la part de l’employeur et permettront aux salariés exposés au-delà d’un certain seuil, après application des mesures de protection collective et individuelle, d’acquérir des droits au titre du C2P. Ces facteurs seront fixés par décret. Il devrait s’agir du travail de nuit, du travail en équipes successives alternantes, du travail répétitif, des activités exercées en milieu hyperbare, du bruit et des températures extrêmes.

– Les 4 autres facteurs (manutentions manuelles de charges, postures pénibles, les vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux) seront exclus du dispositif et feront l’objet d’un traitement spécifique au sein du dispositif de départ anticipé pour pénibilité (modalités à préciser par décret).

– Les entreprises n’auront plus à payer la cotisation de base et, pour celles qui ont effectivement exposé leurs salariés à des facteurs de risques au-delà des seuils, la cotisation additionnelle. Le financement sera à la charge de la branche accidents du travail-maladies professionnelles

– La gestion du C2P sera confiée à la CNAM.

Dés publication des décrets d’application, nous vous tiendrons informés des nouveautés.

Enfin, nous profitons de cette circulaire pour vous informer que par dérogation aux règles de droit commun, les employeurs peuvent corriger leur déclaration 2017 relative aux facteurs d’exposition des salariés à la pénibilité au titre de l’année 2016 jusqu’au 5 ou 15 janvier 2018.

C’est ce que prévoit le décret n° 2017-1462 du 10 octobre 2017 portant report du délai de rectification de la déclaration des facteurs de risques professionnels au titre de l’année 2016 (publié au Journal Officiel du 12 octobre).

En principe, l’employeur peut rectifier sa déclaration initiale :

  • dans un délai de 3 ans lorsque la rectification est faite en faveur du salarié ;
  • jusqu’au 5 ou 15 avril de l’année suivante celle au titre de laquelle la déclaration est effectuée, selon l’échéancier de paiement des cotisations applicable à l’entreprise.

Une instruction interministérielle du 20/06/16 prévoyait un dispositif dérogatoire pour notamment la déclaration au titre de l’année 2016. Ainsi, la déclaration des facteurs d’exposition à la pénibilité au titre de l’année 2016 pouvait être rectifiée au plus tard le 30 septembre 2017 (au lieu du 5 ou 15 avril).

Le décret du 10 octobre 2017 prolonge le délai de rectification de la déclaration pour l’année 2016 jusqu’au 5 ou 15 janvier 2018 selon l’échéancier de paiement des cotisations applicable à l’entreprise.

De plus, ledit décret précise que jusqu’à ces dates, il ne pourra pas être fait application des pénalités de retard en cas de défaut de déclaration ou de déclaration inexacte.

Les 6 derniers facteurs n’étant entrés en vigueur qu’au 1er janvier 2016 (cf. page 2 de la circulaire), l’employeur n’est tenu ni d’évaluer ni de déclarer les expositions à ces risques pour les salariés dont le contrat de travail a pris fin avant cette date.

NB : Les ordonnances publiées au JO entrent en application immédiatement (certaines mesures sont soumises à la publication de décrets d’application).

Toutefois, afin d’être pérennisées, ces ordonnances devront être ratifiées par une loi. L’examen parlementaire de cette loi de ratification est prévu pour le mois de Novembre. Nous vous tiendrons informés dès la publication de cette loi.

Source : circulaire sociale UMIH 27-17