Poppers : analyse juridique des décisions

L'actu du CHRD, Poppers — 2 août 2013

PoppersConseil d’Etat et poppers

Analyse faite par le Conseil d’État dans ses décisions des 15 mai 2009 et 3 juin 2013

Le Conseil d’État, dans ses décisions du 15 mai 2009 et du 3 juin 2013, a annulé successive-ment le décret du 20 novembre 2007 et l’arrêté du 29 juin 2011, qui interdisaient la commercialisation des produits contenant des nitrites d’alkyle, dénommés poppers. Voici les principaux éléments du raisonnement qui a guidé la haute juridiction administrative, en se référant au texte même de ses deux arrêts.

Les produits contenant des nitrites d’alkyle présentent effectivement un caractère toxique. Si leur utilisation peut entraîner des risques, la toxicité est toutefois faible aux doses inhalées habituelles.

Les accidents liés à des intoxications qui ont été recensés, relativement rares, sont observés en association avec d’autres produits ou résultent d’usages anormaux des substances considérées.

Aucune étude scientifique ou enquête sérieuse n’est produite qui permettrait de corroborer la position du Gouvernement.

Il ressort des pièces des dossiers :

– d’une part, que la mesure d’interdiction totale édictée par le décret du 20 novembre 2007 était excessive et disproportionnée au regard des risques entraînés par la commercialisation des pro-duits pour la santé et la sécurité des consommateurs ;

– d’autre part, qu’il n’est pas davantage établi que ces substances présenteraient un risque de pharmacodépendance ou d’abus, entachant ainsi l’arrêté du 29 juin 2011 ayant décidé une interdiction sur le fondement de la réglementation relative aux stupéfiants.

Le Conseil d’État a cependant envisagé l’éventualité d’une réglementation de l’étiquetage ou du conditionnement des produits, ainsi que de leur mode d’utilisation, ce qui justifierait l’adoption de restrictions partielles (comme l’interdiction de vente aux mineurs). Des campagnes de communication seraient sans doute également utiles.

Ainsi, le Conseil d’État, l’une des cours souveraines de la France, a été amené à prendre position sur la question controversée de la toxicité des poppers, avec toute l’autorité que lui confère son statut. Il ne sera pas possible de négliger, tant dans notre pays qu’au sein de l’Union européenne, l’analyse qu’il a, en toute connaissance de cause, retenue.

Ajoutons que le décret du 26 mars 1990, qui interdisait déjà certains poppers, à base de nitrites de butyle et de pentyle, ayant été abrogé par un récent décret du 13 mai 2013, le raisonnement du Conseil d’État et l’effet utile de l’annulation de l’arrêté du 29 juin 2011 valent pour tous les nitrites d’alkyle : butyle, pentyle, propyle et isopropyle.

L’annulation d’un texte étant par nature rétroactive, cet arrêté ministériel est censé n’avoir jamais existé. Dès lors, toute personne, physique ou morale, qu’elle soit fabricant, grossiste ou détaillant, est fondée à réclamer et à obtenir de l’État un dédommagement, correspondant à l’entier préjudice financier qu’elle a illégalement subi.

Paris, le 11 juin 2013

Alain Meyet, juriste