Toi, moi, les autres : pour Benjamin

Films, Le SNEG vous recommande — 23 février 2011

 

Quand on a pas les moyens de ses ambitions, le désastre n’est jamais loin. C’est à peu près ce qu’inspire le deuxième film d’Audrey Estrougo qui se veut être, soi-disant, une comédie musicale. Il semblait alors intéressant de voir ce que pouvait donner une comédie musicale à la française… Eh bien, c’est pas terrible. Le manque de budget évident fait que les tableaux chantés et parfois dansés n’ont aucun cachet. Les producteurs français semblent être assez frileux en matière de comédie musicale au cinéma et ce n’est pas avec ce genre film que ça risque de s’arranger. Du coup, faute de moyens et ne pouvant se suffire de la forme en tant que telle, la réalisatrice travaille le fond, sur le thème du drame social et de la critique du statut dans sans-papiers. Certes, on pourrait dire que la comédie musicale n’empêche pas de pointer du doigt les travers de la société. Mais la où, par exemple, »Hairspray » qui présente la lutte contre la ségrégation raciale est plein de vie, d’énergie et d’optimisme, « Toi, moi, les autres » se noie dans un pathos indigeste, mêlant deux genres cinématographiques de façon inappropriée, utilisant la comédie musicale comme prétexte, là où elle doit au moins servir de divertissement.
Autre déception, le casting vocal, qui n’est pas à la hauteur pour au moins essayer de rattraper la pauvreté de la mise en scène. C’est mielleux, mièvre, sans aucune puissance, ce qui, cela dit colle cependant parfaitement à l’idée du drame portée par le film. On se demande comment Benjamin Siksou a pu arriver en demi-finale de la « Nouvelle Star », mais on reconnaîtra quand même que même si sa voix n’a rien de plus que celle d’un bon chanteur de karaoké, il ne se débrouille pas si mal en tant qu’acteur, sans pour autant nous proposer une interprétation renversante. Dans la catégorie mielleuses, on citera aussi Marie-Sohna Condé et Leïla Bekhti, sans rentrer dans le détail de leur performances vocales, sans intérêt. Petite parenthèse : Chantal Lauby, inoubliable Odile Deray dans « La cité de la peur », qui ne chante pas, je vous rassure, est la seule à tirer son épingle du jeu dans ce fiasco : elle n’apparaît pas souvent, n’a pas beaucoup de répliques, mais quand elle parle, c’est à mourir de rire.
Les choix musicaux confirment la frilosité des producteurs : on pioche dans les plus ou moins vieux et connus standards français, mais on ne se risque surtout pas à créer une bande originale pour le film… Ca doit sûrement coûter moins cher ! Et même si les chansons sont bien placées au fil de l’histoire, ça ne nous transporte pas. Un joli tableau Bollywood sur « Et si tu n’existais pas », même si onne  voit pas trop ce que viennent faire les indiens là-dedans et un tableau glamour par Cécile Cassel sur « J’attendrai », voilà ce qu’il y aura à retenir.
Dans cette tentative de créer un Broadway à Barbès, Audrey Estrougo fini par s’enliser dans drame politico-social, à grands renforts de clichés grotesques, de références et de petits pics acerbes, parfois drôles, il faut le reconnaître. Trop engagé et chargé de communautarisme, le film en perd en saveur d’un point de vue musical, dans un scénario décidément trop naïf pour qu’on y croit.
Pour le SNEG, Duarte http://duartelittle.skyrock.com
« Toi, moi, les autres » d’Audrey Estrougo. Sortie le 23 février 2011.