Vers une logique de fermeture systématique…

Communiqués 2003 — 26 septembre 2003

Une volonté de mettre en péril les commerces gays.

Depuis quelques mois, les établissements gays font l’objet de fermetures administratives, sans avertissement ni procédure approfondie. Après le Happy People à Annecy, la Sous-préfecture de Cherbourg condamne le bar Le Space Boys, adhérente du SNEG, à douze jours de fermeture administrative, mettant en péril l’équilibre économique de cette entreprise qui emploie deux salariés.

Le SNEG et son avocat soutiennent l’action en justice menée par son adhérent. Le Tribunal Administratif de Caen a été saisi d’une requête en annulation et d’un référé en suspension.

Le 15 juillet dernier, une pétition de riverains est adressée au Maire de Cherbourg, Monsieur Bernard Cazeneuve, protestant contre des nuisances venant troubler l’ordre public suite à un incident survenu le 5 juillet.

Le 9 septembre, en présence de six des signataires de ladite pétition, d’un représentant de la Sous-préfecture de la Manche et du Commissariat de Police de Cherbourg, une réunion est organisée en mairie de Cherbourg. L’exploitante du Space Boys, principale intéressée puisque incriminée dans cette affaire n’est pas conviée à cette réunion, ainsi empêchée de pouvoir faire valoir sa défense.

Au terme de cette réunion, le Maire de Cherbourg adresse un courrier à la Sous-préfecture demandant à ce que soit abrogé l’arrêté préfectoral du 2 juin 2003 autorisant Le Space Boys à poursuivre son exploitation jusqu’à 2 heures du matin en période estivale. Suite à ce courrier, l’exploitante est convoquée en Sous-préfecture le 5 septembre et se voit notifier le 10 suivant, une fermeture administrative de douze jours.

Le SNEG dénonce le caractère litigieux de cette décision, et les circonstances qui l’accompagnent, tant dans la forme que dans le fond, pour les raisons suivantes :

  • ouvert le 31 octobre 2002, Le Space Boys n’a jamais connu le moindre incident jusqu’à la date du 5 juillet 2003 qui a, selon ses signataires, motivé la pétition du 15 suivant
  • la bonne tenue de l’établissement, et notamment son respect de l’ordre public, était telle que celui-ci a bénéficié en juin 2003 d’une dérogation d’ouverture pour la période estivale
  • concernant l’incident du 5 juillet, constaté à l’extérieur de l’établissement, rien, contrairement à ce que laissent entendre les auteurs de la pétition, ne permet d’en attribuer la responsabilité à des clients du Space Boys. Celui-ci est en effet situé dans une zone où se trouvent quatre autres établissements d’où pouvaient fort bien sortir les personnes mêlées à cet incident. La copie du Procès Verbal, bien que réclamée au Parquet par l’avocate de notre adhérent n’ayant pas été transmise, le doute subsiste sur ce point
  • dans son arrêté, Monsieur le Sous-préfet fait également allusion à un autre incident survenu le 7 septembre. Ayant été reçu en Sous-préfecture le 5 précédant, l’exploitante n’a pu faire valoir sa défense sur ce point et ici encore, la copie du Procès Verbal, bien que réclamée au Parquet par l’avocate de notre adhérent n’ayant pas été transmise, le doute subsiste sur ce point
  • le 14 septembre, deux nouveaux incidents ont été constatés dans le quartier. Il s’avère cette fois difficile d’incriminer Le Space Boys ou sa clientèle, l’établissement étant à cette date fermé depuis deux jours suite à la décision de fermeture administrative prononcée par Monsieur le Sous-préfet…

Au-delà de ces considérations purement factuelles, le SNEG précise les éléments suivants :

  • dès son ouverture, l’exploitante a été victime d’insultes homophobes et de menaces sans cesse répétées, lesquelles était proférées par l’une des signataires de la pétition adressée au Maire de Cherbourg. Les mains courantes déposées par l’exploitante sont restées sans suite
  • l’établissement Le Space Boys est situé en plein centre ville, proche d’autres établissements de nuit ou d’afters. Parce qu’il est un établissement gay, certains riverains accusent systématiquement, mais sans la moindre preuve, Le Space Boys
  • le 20 juillet 2003, les services de police sont intervenus suite à une plainte de riverains mentionnant Le Space Boys mais il a été constaté ce jour-là que les nuisances provenaient de chez un riverain
  • le 8 septembre 2003, l’exploitante du Space Boys, dans un souci de concertation, a organisé un réunion invitant les riverains voisins de son établissement, un représentant de la Mairie et de la Police. Personne ne s’est rendu à cette réunion. A l’inverse, d’autres riverains ont adressé des attestations selon lesquelles l’exploitation du Space Boys n’entraînait aucune nuisance, attestations que nous tenons à votre disposition.

Le SNEG a adressé un courrier à Monsieur le Maire de Cherbourg et à Monsieur le Sous-préfet, pour les alerter sur les dérives actuellement constatées en matière de fermeture administrative :

  • des pétitions de riverains dont on ne cherche pas à vérifier le bien fondé suffisent à déclencher une fermeture administrative
  • les procès verbaux de police restent inaccessibles aux exploitants mis en accusation, ce qui constitue un déni du respect des droits de la défense.

Le SNEG en appelle à la concertation et à la médiation avant de recourir à des mesures aussi expéditives, prônant le dialogue et la concertation plutôt que la répression systématique. Il fait notamment référence à la Charte de la Vie Nocturne de la Ville de Lille, co-rédigée et signée par le SNEG et d’autres organisations syndicales. Mise en place en avril dernier, cette charte implique les riverains, les autorités de police, de justice, de la ville et du département, ainsi que les exploitants des établissements.

Partout en France, en dépit des apparences de grande tolérance, une partie de la population manifestement homophobe fait pression sur les pouvoirs publics pour entraver la bonne marche des établissements gays. Le SNEG entend faire respecter la visibilité et le droit de ses adhérents à faire vivre leurs établissements et y accueillir leur clientèle.